IR Notes 138 – 25 mars 2020
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  Une question à…
Alain Supiot, Professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités » (1)

Dans un entretien au magazine économique Alter Eco, vous soulignez, à propos de la crise de Covid-19 que « seul le choc avec le réel peut réveiller d’un sommeil dogmatique » autrement dit nous sortir du dogme néo-libéral. L’Europe a-t-elle les moyens de se reconstruire sur de nouvelles bases ?
Les critiques relatives au fonctionnement actuel de l’Union européenne sont anciennes. Dieter Grimm, constitutionnaliste et ancien juge à la Cour constitutionnelle allemande, a dénoncé un système d’hyper-constitutionnalisation où l’Union a donné une valeur constitutionnelle à des politiques économiques qui sont soustraites au contrôle démocratique. Dans un texte publié en 2018 (2), plusieurs intervenants ayant participé à un colloque intitulé « revisiter les solidarités en Europe » ont appelé à redonner un espace au politique et à la démocratie face à une Union européenne qui a démantelé les solidarités nationales au nom des libertés économiques, sans parvenir dans le même temps à les remplacer par des solidarités européennes. La crise sanitaire actuelle est plus profonde que la crise financière de 2008, car elle remet en cause la sécurité physique des personnes, qui est la mission et la responsabilité première de l’État. Cette pandémie confirme de façon cruelle l’absence de solidarité européenne – comme l’illustrent les réticences à fournir ses voisins en masques, voire le vol par un pays de masques destinés à un autre pays. Cette absence de solidarité n’est pas une révélation. Elle était déjà évidente face à la crise migratoire, ou face à la crise monétaire de la zone euro. On a vu l’UE exiger des hôpitaux grecs qu’ils suppriment 25% de leurs effectifs dans le cadre des plans de sauvetage lors de la crise de la dette, puis condamner ce pays quelque temps après en raison des horaires de travail excessifs auxquels ces coupes avaient contraint des personnels hospitaliers. On pourrait multiplier les exemples. Cette crise sanitaire peut finir de jeter un discrédit total sur l’Union européenne. Elle peut aussi être une opportunité de faire passer le principe de solidarité avant celui de la concurrence loyale et non faussée, et de relancer une Europe des projets. Par exemple en décidant de doter l’Europe d’un système de santé propre à affronter de façon efficace et coordonnée la prochaine crise sanitaire. Autre exemple, l’Europe pourrait se doter de ses propres outils de géolocalisation, ou de ses propres moteurs de recherche, qui dépendent aujourd’hui entièrement des États-Unis. Des réussites comme celle d’Airbus montrent de telles coopérations sont possibles et qu’elles ne dépendent pas d’un impossible accord à 27.


(1) Alain Supiot est notamment l’auteur de « La Déclaration de Philadephie » (The Spirit of Philadelphia. Social Justice vs. the Total Market / Der Geist von Philadelphia. Soziale Gerechtigkeit in Zeiten entgrenzter Märkte / El espíritu de Filadelfia. La justicia social frente al mercado total) ou de « La gouvernance par les nombres » (Governance by Numbers. The Making of a Legal Model of Allegiance).


(2) Cette tribune avait pour objectif d’engager la discussion sur la crise profonde des institutions de l’Union européenne et sur les moyens d’y faire face. Elle a été publiée en Allemagne dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, en France dans Le Monde, au Portugal dans Il Publico, en Grèce dans Ta NEA, en Pologne dans la Rzeczpospolita, en néerlandais sur le blog Doxaludo, en Espagne dans El País, et en anglais sur le site Open Democracy. Les Actes du Colloque sont accessibles en ligne.

 
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L’équipe : ce numéro a été préparé par Bernadette Allinger, Predrag Bejakovic, Francisco Gomez Abelleira, Ingel Kadarik, Ekaterina Markova, Sylvain Nadalet, Raquel Rego, Tamas Gyulavari et Frédéric Turlan
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À la Une
Un premier panorama des mesures nationales prises pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19

La rédaction d’IR Notes se mobilise pour vous informer des mesures prises dans chaque pays pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Avec l’aide de nos correspondants et des contacts pris auprès de tous les ministères du Travail et des partenaires sociaux des États membres, nous vous proposons un premier panorama. Des ressources sont aussi mises en ligne sur le site IR Share et sur notre Page Facebook. Vous trouverez des informations en anglais et en français sur les pays que nous n’avons pas pu traiter dans ce numéro. N’hésitez pas à télécharger sur notre site tous les documents qui vous semble utiles et/ou à poster des informations sur notre page Facebook. Par ailleurs, nous vous encourageons à suivre également les pages dédiés à cette crise sur les sites de la Confédération européenne des syndicats, avec l’aide de l’Institut syndical européen, et sur celui de la fédération syndicale européenne IndustriAll Europe, ainsi que le centre de ressources mis en ligne par l’OCDE. La rédaction d’IR Notes a également contacté une vingtaine de secrétaires de CE européens pour établir un premier panorama de l’action des représentants des salariés européens (v. 3. Entreprises). Vous aussi, partagez vos initiatives sur notre page Facebook ou en adressant votre témoignage : frederic.t@irshare.eu.


1. Union européenne
Actualité sociale

  • Recours aux aides d’État : la Commission européenne a adopté, le 20 mars, un cadre temporaire pour permettre aux États membres d’utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Ce cadre temporaire prévoit cinq types d’aides: 1/des subventions directes, des avantages fiscaux sélectifs et des avances; 2/ des garanties d’État pour les emprunts bancaires contractés par les entreprises; 3/ des prêts publics subventionnés aux entreprises; 4/ des garanties pour les banques qui acheminent les aides d’État vers l’économie réelle; 5/ une assurance-crédit à l’exportation à court terme (communiqué).


Jurisprudence

Contrats à durée déterminée successifs : la Cour de justice a rendu un arrêt dans une affaire espagnole qui concerne des travailleurs des services de santé de la ville de Madrid employés sous la forme de contrats de travail à durée déterminée pendant plusieurs années (CJUE, 19 mars 2020, aff. C-103/18 et C-429/18, Ruiz et Alvarez. La législation litigieuse est très spécifique au secteur public et la solution a peu d’intérêt pour le secteur privé. Cependant, la Cour de justice rappelle que la directive 1999/70 du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, vise à encadrer le recours successif aux contrats à durée déterminée et à en limiter les recours abusifs. Elle « est fondée implicitement mais nécessairement sur la prémisse selon laquelle le travailleur, en raison de sa position de faiblesse par rapport à l’employeur, est susceptible d’être la victime d’un recours abusif, par l’employeur, à des relations de travail à durée déterminée successives, quand bien même l’établissement et le renouvellement de ces relations de travail seraient librement consenties ». Aussi, la clause 5 de l’accord-cadre « serait dénuée de tout effet utile si les travailleurs à durée déterminée étaient privés de la protection qu’elle leur garantit au seul motif qu’ils ont consenti librement à la conclusion de relations de travail à durée déterminée successives. » (v. aussi résumé).


2. États membres
Allemagne

Assouplissement du recours au chômage partiel : Le Parlement a adopté, le 13 mars, le projet de loi présenté  le 10 mars par le ministre du Travail (v. communiqué) visant à faciliter le recours au chômage partiel (v. communiqué). Le dispositif entre rétroactivement en vigueur au 1er mars. Dès que 10% des effectifs sont concernés par des mesures de chômage partiel (au lieu de 30% jusqu’à présent), les entreprises pourront présenter des demandes de prise en charge aux autorités après consultation du comité d’entreprise. L’État prend à sa charge le montant de la totalité des cotisations sociales sur les heures non travaillées (au lieu de 50% depuis le 1er janvier 2020). Les salariés obtiennent une prise en charge des heures non travaillées représentant de 60% (sans enfant à charge) à 67% (avec un enfant à charge) de leur salaire net (v. fiche réalisée par la confédération DGB). Des accords collectifs peuvent améliorer le revenu de remplacement. Ainsi dans l'industrie métallurgique et électrique, une convention collective a été conclue, le 20 mars, pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour utiliser les sommes prévues au titre des primes de vacances et autre bonus plus une prime de solidarité versée par l’employeur de 350 euros par salarié, afin de compléter l’indemnité de chômage partiel jusqu’à hauteur de 80% du salaire net. L’accord attribut 8 jours de congé rémunérés supplémentaires pour s’occuper des enfants dont la crèche ou l’école est fermée. L’accord régional devrait être repris dans les autres régions (v. communiqué IG Metall et Gesammt Metall) Le gouvernement a présenté un nouveau projet de loi, le 23 mars, pour faciliter l'accès à la sécurité sociale avec les mesures spécifiques pour les familles à faible revenu et les travailleurs indépendants n'ayant pas ou peu de salariés (v. communiqué).
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Voir aussi page Coronavirus du site du ministère du Travail et des Affaires sociales.


Autriche

Nouveau dispositif de chômage partiel : le gouvernement et les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, le 14 mars, sur un dispositif de chômage partiel doté d’une enveloppe de 400 millions d’euros (v. communiqué de la confédération syndicale ÖGB). Cette mesure, prévue pour trois mois (mais prolongeable trois mois de plus) permet d’indemniser jusqu’à un chômage partiel total. Le taux de remplacement est porté de 80 à 90 % du salaire net. Le taux de remplacement de 80 % concerne les salaires bruts qui atteignaient avant le chômage partiel la somme de 2 685 euros. Le taux de remplacement passe ensuite 85 % pour un salaire mensuel brut compris entre 1 700 et 2 685 euros, puis à 90 % pour une rémunération brute allant jusqu’à 1 700 euros. Pour un salaire brut de 2000 euros, le coût pour l’employeur passe de 2 570,20 euros bruts chargés à 530,50 euros pour un chômage partiel à 50 % de la durée du travail, tandis que le salarié percevra 1 298,60 euros net au lieu de 1 442,90 euros net.
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Le site du ministère des Affaires sociales recense toutes les réglementations adoptées. L’ÖGB et la Chambre des salariés ont mis en place un site dédié www.jobundcorona.at


Croatie

  • Mesures économiques : le gouvernement a pris des mesures purement économiques afin de soulager la trésorerie des entreprises qui s’engagent à ne pas licencier notamment la suspension pour trois mois du paiement des impôts. Le syndicat du secteur du commerce a demandé, le 17 mars, que les employeurs protègent leurs salariés contre l’exposition au Covid-19 (v. note de notre correspondant Predrag Bejakovic).

Danemark

Un accord tripartite : le gouvernement et les partenaires sociaux ont conclu, le 14 mars, un accord tripartite sur une compensation salariale temporaire pour les salariés du secteur privé pour éviter les licenciements dans les entreprises qui devraient licencier au moins 30% de leurs effectifs ou plus de 50 salariés. Du 9 mars au 9 juin, les salariés dont le contrat de travail est suspendu recevront l’intégralité de leur salaire dans la limite de 23000 couronnes (3080 euros). L’État pendra à sa charge 75% de la rémunération versée par les entreprises (v. exemples présentés par la confédération syndicale LH). Pendant cette période, les salariés devront abandonner cinq jours de congé payé ou de jours de repos compensateur. Le gouvernement a adopté d’autres mesures (v. note préparée par LH) : les chômeurs qui arrivent en fin de droits bénéficieront de trois mois supplémentaires d’indemnisation ; les indépendants qui subissent une chute de 30% de leur chiffre d’affaires recevront une allocation (75% de la perte dans la limite de 23000 couronnes).


Espagne

Un plan de soutien à hauteur de 20% du PIB : le gouvernement a pris plusieurs décrets successifs pour faire face à la crise du Covid-19. Le décret-royal du 17 mars répond à la position commune des partenaires sociaux. Il comporte diverses mesures pour limiter l’impact sur le marché du travail : 1/ un droit individuel aux salariés pour adapter leurs conditions de travail pour leur permettre de garder leurs enfants privés d’école ou des parents à charge. Sauf si cela est impossible ou disproportionné pour l'entreprise, le salarié peut décider de travailler à des horaires différents, par roulement, à domicile, etc…  Le salaire reste maintenu à 100%. 2/ Un droit individuel à réduire les heures de travail jusqu'à 100 % pour remplir les obligations de garde mentionnées ci-dessus. Le salaire est réduit dans la même proportion. 3/ Une simplification et une extension du mécanisme de chômage partiel (ERTEs) aux salariés privés d’emploi. Les salariés perçoivent des allocations de chômage quelle que soit leur période de cotisation. Les employeurs peuvent demander à être exemptés de l'obligation de payer les cotisations sociales. Les allocations de chômage représentent 70 % de l'assiette de cotisation, plafonnées à 1 411,83 euros pour une personne ayant deux enfants, à 1 254,96 euros pour une personne ayant un enfant ou à 1 098,09 euros pour une personne sans enfant.
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Pour plus de détails : les notes réalisées par les confédérations syndicales UGT et CCOO.


Estonie

Allocation de 70% du salaire : le gouvernement a annoncé, le 19 mars, un ensemble de mesures de soutien pour un budget total de 2 milliards d'euros (7 % du PIB) (v. communiqué). Le paquet comprend notamment les mesures suivantes : 1° Le Fonds d'assurance chômage met en place une compensation salariale aux employeurs qui remplissent au moins deux des trois critères suivants : leur chiffre d'affaires a diminué de 30 % ; ils ne fournissent pas le travail prévu à au moins 30 % des salariés ; ils doivent réduire d’au moins 30% les salaires d’au moins 30 % des effectifs. Les salariés mis au chômage reçoivent une indemnisation à hauteur de 70 % du salaire brut (max. 1 000 euros) par mois pendant deux mois entre le 1er mars et le 30 mai 2020. L'employeur doit compléter par un versement d’au moins 150 euros. Par ailleurs, de mars à mai, le congé de maladie (qu'il soit lié au Covid-19 ou non) est indemnisé aux salariés dès le premier jour de maladie (au lieu du 4e jour habituellement).


France

Un recours massif au chômage partiel : une des mesures phares mise en œuvre par le gouvernement est le dispositif renforcé de chômage partiel, annoncé le 12 mars (v. l’ensemble des mesures et résumé en anglais). L’entreprise verse une indemnité égale à 70% du salaire brut (environ 84 % du net) à ses salariés. Les salariés qui touchent une rémunération inférieure ou égale au salaire minimum, sont indemnisés à 100%. L’entreprise sera intégralement remboursée par l’État, pour les salaires jusqu’à 6 927 euros bruts mensuels, c’est-à-dire 4,5 fois le salaire minimum. Le 21 mars, plus de 26000 demandes d’entreprises ont été enregistrées par les services de l’État, pour couvrir 500000 salariés avec une enveloppe évaluée à 2 milliards d’euros. Le ministère du Travail a publié, le 19 mars, une circulaire questions-réponses qui précise les droits et obligations tant des employeurs que des salariés durant l’épidémie. À noter que la mise en œuvre du télétravail doit être impérative dès lors que le poste de travail le permet. Le ministère appelle que l’article L. 1222-11 du Code du travail permet de justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié en cas de risque épidémique. Les salariés contraints de rester chez eux pour garder un enfant et qui ne peuvent pas télétravailler sont placés en arrêt maladie et indemnisés dès le premier jour. Par ailleurs, le Parlement a adopté, le 22 mars, une loi d’urgence qui permet au gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance (donc sans débat parlementaire) diverses mesures, notamment dans les champs du droit du travail et de la sécurité sociale. Le texte accorde davantage de pouvoir aux employeurs pour imposer ou modifier unilatéralement la prise de tous les jours de repos. Il peut aussi modifier la prise des congés payés (dans la limite de six jours) en application d’un accord d’entreprise ou de branche. Le texte permet aussi une consultation dématérialisée du comité d’entreprise dans des délais réduits et supprime les jours de carence en cas de maladie afin que les assurés soient indemnisés dès le premier jour. Les entreprises des secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale pourront déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical.


Italie

Un protocole sur des mesures conjointes : face à la flambée de l’épidémie, le gouvernement a tout d’abord pris une série de décrets pour délimiter des zones rouges dans le nord du pays (décret du 1er mars), pour étendre ces zones de protection à tout le pays jusqu’au 3 avril (décret du 8 mars) puis de nouveau pour renforcer les restrictions avec la fermeture de tous les magasins (décret du 11 mars). Le gouvernement a ensuite conclu, le 14 mars, avec les partenaires sociaux, un protocole sur des mesures conjointes pour faire face à la propagation du virus Covid-19 sur les lieux de travail. Ce protocole prévoit une série de mesures visant notamment à encourager le télétravail ; à suspendre les activités qui ne sont pas indispensables à la production ; à adopter des protocoles de sécurité anti-contagion ou encore à limiter au minimum indispensable les mouvements de personnes à l'intérieur des sites de production (v. détail des mesures dans une note en anglais réalisée par la confédération syndicale CGIL). Le 17 mars, le gouvernement a adopté le décret « Care-Italy » qui comprend le report des principales échéances fiscales des entreprises, le soutien aux secteurs les plus touchés par la crise, le déblocage de fonds pour augmenter la capacité des hôpitaux, recruter du personnel médical et fournir des équipements de protection individuel. Ce décret prévoit des mesures de soutien aux travailleurs comme une indemnité de 600 euros pour les indépendants, les artistes et les agriculteurs (dans la limite des fonds disponibles); l’extension de la « Cassa integrazione » (chômage partiel) aux secteurs et entreprises non couvertes par ce dispositif ; 12 jours payés supplémentaires pour les travailleurs ayant à charge une personne handicapée (en plus des 3 jours déjà prévus, valables pour les mois de mars et d’avril) ; l’allongement de 15 jours de la durée du congé parental d’éducation jusqu’à l’âge de 12 ans de l’enfant (rémunéré jusqu’à 50% au lieu de 30%) ou alternativement un chèque-emploi de 600 euros pour l’embauche de baby-sitter (1000 euros pour le personnel de santé et des forces de l’ordre); l’inclusion des jours de quarantaine dans le congé de maladie ; un bonus de 100 euros sur le salaire de mars pour tous les salariés qui continuent à se rendre sur le lieu de travail, ou encore une période de 60 jours de suspension des licenciements collectifs et individuels pour motifs économiques. Le décret du 1er mars, avait déjà autorisé la mise en œuvre du télétravail en l’absence d’accord individuel avec le salarié.


Pays-Bas

Prise en charge des salaires à hauteur de 90% pendant trois mois : le gouvernement a adopté une série de mesures économiques et sociales, toutes discutées avec les partenaires sociaux (v. note adressée par la confédération syndicale FNV). Une nouvelle mesure temporaire est en préparation pour aider les entreprises à conserver leurs salariés : les employeurs qui s'attendent à une baisse d'au moins 20 % de leur chiffre d’affaires peuvent demander une allocation pour une période de trois mois représentant au maximum 90 % du montant total des salaires, à condition de s’engager à ne pas licencier leurs salariés pour des raisons économiques sur cette période. La Fondation du travail (Stichting van de arbeid / Labour foundation), qui réunit les partenaires sociaux du pays, a décidé, le 19 mars, de former avec le gouvernement un Comité d’unité et de décision, qui se réunira chaque semaine pour « préserver les revenus, les emplois et l'activité » (v. communiqué). La Fondation a adressé, le 18 mars, une série de recommandations aux partenaires sociaux au niveau sectoriel et des entreprises ainsi que des propositions de nouvelles mesures au gouvernement (v. note parue sur le site de la CES).


Pologne

Adoption d’un bouclier anti-crise : doté de 212 milliards de zlotys (environ 46 milliards d’euros, soit 10% du PIB), le plan de sauvetage de l’économie présenté, le 18 mars, par le gouvernement, comprend une large panoplie de mesures dont certaines pour préserver l’emploi (v. communiqué). Pour les entreprises en difficulté, l'État prendra en charge 40% des salaires bruts (à hauteur du salaire moyen, soit environ 463 euros). Les travailleurs sous contrat de droit civil pourront bénéficier d'une allocation mensuelle d'environ 2 000 zlotys brut (438 euros). De l’avis des partenaires sociaux, réunis au sein du Conseil du dialogue social, « les solutions proposées, bien qu'importantes dans le détail, ne suffisent pas à calmer l'humeur des travailleurs et des entrepreneurs. » (v. position commune).


3. Entreprises
Comité d’entreprise européens

Comment les CE européens agissent face au Covid-19 : Après l’annulation des réunions physiques et des déplacements internationaux (Axa, Generali), des plénières prévues en mars (Coca-Cola European Partners, Korian, Merck) ou des réunions de négociation (Worldline) ou de renégociation (Generali), les CE européens ont cherché les moyens d’assurer la continuité des instances. Le recours à la visio-conférence et aux conférences téléphoniques tend à se généraliser pour les réunions de comité restreint ou bureau (Axa), mais aussi pour les groupes de travail dédiés à la santé et à la sécurité (LafargeHolcim) voire même pour la plénière du CE européen (Airbus SE, Merck). Certaines réunions se tiennent avec un service d’interprétariat (Airbus SE, Axa, LafargeHolcim, Merck) d’autres sans interprète (Generali, Veolia). Chez Veolia, la nouvelle secrétaire du CE européen, Michaela Sofer-Ayadi, va organiser une réunion informelle du comité restreint, sans présence de la direction, via Hangout, pour échanger directement et fournir un compte rendu aux autres membres. « Je vais utiliser nos ressources internes, explique Michaela Sofer-Ayadi: je suis bilingue anglais donc j'assurerai la traduction auprès du membre francophone. Les délégués anglais, néerlandais et polonais pratiquent l'anglais, le Néerlandais traduira à l'Allemand et la déléguée polonaise au représentant tchèque ». Le rythme des réunions est variable, deux fois par semaine entre le bureau (composé du secrétaire et du secrétaire adjoint) du CE européen de Generali et la direction, au moins une fois par semaine le CE européen d’Airbus et la direction du groupe sans compter les échanges quotidiens entre membres du bureau (BNP Paribas) ou entre le secrétaire et la direction (Solvay). Les membres des comités recourent aussi aux réseaux sociaux. Un groupe Whats’App a été mis en place en janvier par les membres du comité restreint de Generali. Chez Lhoist, les membres du CE européen ont eu recours à un groupe Facebook privé pour un premier échange.



  • La circulation de l’information à l’heure du Covid-19. L’objectif premier des instances est de permettre une circulation de l’information au sein des représentants du personnel et de suivre la situation dans les différents pays. « J’essaye de mettre en place un suivi des mesures prises dans chaque pays», précise Hélène Debegnac, secrétaire du CE européen de LafargeHolcim. Les visio-conférences avec les délégués locaux des entités européennes permettent « de s’assurer, explique Patricia Nunez, secrétaire adjointe du CE européen d’Axa, que les mesures appliquées par le groupe permettent aux salariés d’être suffisamment protégés tout en gardant une activité professionnelle souhaitable pour la pérennité de l’entreprise et de l’emploi ». De son côté, le bureau du CE européen de Generali a élaboré un fichier Excel adressé au comité restreint pour identifier certaines actions mises en place dans les Business Units. Une fois le fichier rempli, il sera adressé à tous les membres du CE européen pour faire un tour exhaustif de tous les pays. Le tout sera ensuite étudié puis remis à la RH centrale avec les commentaires sur des améliorations de coordination à apporter. Dans la même idée, le bureau du CE européen de Safran a mis en place un questionnaire transmis à l’ensemble des membres du CE européen afin de savoir régulièrement ce qui se passe chez eux. Le CE européen peut aussi faire remonter les inquiétudes des salariés européens auprès de la direction. Le secrétaire du CE européen du groupe de construction Eiffage a ainsi adressé un courrier à la direction, le 16 mars, l’interrogeant « sur son intention de mettre en place des mesures plus adaptées de protection et de soutien à son personnel quel que soit son périmètre ».

  • La suspension des restructurations : parmi les mesures concrètes, il faut souligner l’accord intervenu, le 19 mars, entre le CE européen d’Unilever et le Pdg du groupe, Alan Jope selon lequel la restructuration prévue, qui aurait pu entraîner des fermetures d'usines, sera suspendue pendant la durée de la crise liée au Covid-19. « C'est une bonne nouvelle pour le moment et cela nous donne l'occasion de réévaluer la situation plus tard », souligne Hermann Soggeberg, le secrétaire du CE européen. De même, le CE européen du groupe Verizon a obtenu la suspension de toutes les réorganisations en cours, au moins jusqu’au 1er juin.



Lancement de négociations : un collectif de 153 salariés européens de Google, représentant 11 pays, a adressé un courrier, début mars, pour demander à la direction la mise en place d’un CE européen. La direction a accepté de lancer une négociation pour mettre en place une instance qui couvrira les quelque 35 sites européens de Google.


4. Études et rapports

  • Mesures de transparence salariale : la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen a commandé une étude synthétique (Equal Pay for Equal Work: Binding pay-transparency measures) sur les mesures de transparence salariale préconisées par la Commission européenne, dans ses recommandations de 2014. Le document propose une revue de littérature sur l’efficacité de ce type de mesures et rappelle les positions des différentes parties prenantes soulignant en particulier l’opposition passionnée des trois organisations européennes d’employeurs.

  • Travailleurs des plateformes : la Commission européenne a publié, le 21 mars, une étude très complète pour analyser les conditions de travail des personnes employées par les plateformes. Ce document doit nourrir la réflexion de la Commission, qui a prévu d’organiser une conférence, en septembre, sur ce sujet afin de préparer une initiative visant à améliorer les conditions de travail des personnes travaillant dans l'économie des plateformes en 2021.