IR Notes 139 - 8 avril 2020
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  Une question à…
Gregory Claeys, chercheur auprès du think tank européen Bruegle

L’initiative SURE de la Commission européenne proposant des prêts aux États membres pour financer des dispositifs de chômage partiel (v. À la Une) est-elle efficace ?
La proposition de la Commission est une alternative judicieuse au recours au mécanisme européen de stabilité, actionné lors de la crise de la dette, qui permet de faire des prêts à des États membres à des taux avantageux par rapport à ceux du marché, mais en contrepartie de la signature d’un mémorandum contenant des mesures à mettre en place dans le cadre d’une politique d’austérité. Comme il serait difficile pour un gouvernement d’accepter actuellement une telle condition, la Commission propose un mécanisme similaire, où l’Union européenne s’endette sur les marchés et prête cet argent à un État membre à un taux inférieur à celui auquel il pourrait emprunter sur les marchés. Cette fois le prêt se fait sans autre condition que d’utiliser le prêt pour financer un régime de chômage partiel et/ou un dispositif de soutien aux travailleurs indépendants. Ce dispositif sans condition est donc une bonne chose, et a le mérite de donner une incitation à chaque pays se dote d’un dispositif de chômage partiel. Cependant, il ne va pas aussi loin que le projet de système de réassurance chômage envisagé par la Commission, car il repose sur des prêts et non des transferts entre États membres. De plus, la somme proposée, 100 milliards d’euros, reste modeste à environ 0,7% du PIB de l’UE, alors que les estimations actuelles portent sur un besoin de financement de l’économie européenne de 1400 milliards d’euros (environ 10% du PIB) pour toutes les mesures de soutien à l’économie et à l’emploi. Enfin, outre que certains pays n’ont pas intérêt à l’utiliser – comme l’Allemagne qui emprunte sur les marchés à des taux négatifs ou la France qui obtient des taux plus avantageux que ceux négociés par l’UE – le programme SURE n’apportera pas un avantage très important au pays utilisateurs. Par exemple si l’Italie emprunte 20 milliards d’euros par ce biais à un taux zéro, au lieu de 1,5% qu’elle pourrait obtenir sur les marchés, elle ne gagnerait que le différentiel entre zéro et 1,5%, ce qui finalement reste modeste. Par rapport à toutes les sommes qu’elle devrait emprunter au-delà du dispositif de chômage partiel, l’apport de SURE est négligeable, même s’il est appréciable.
> v. Bruegel

 
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À la Une
La Commission européenne mise (avec raison) sur le chômage partiel

Cherchant par tous les moyens de se rendre utile dans une Union européenne qui peine à se rappeler que la solidarité est une valeur constitutionnelle (article 2 du traité de l’UE), la Commission européenne a présenté, le 2 avril, une proposition de règlement en vue de financer des mesures de chômage partiel. La Commission ne propose pas un système de chômage partiel clé en main, mais plutôt un instrument financier. Dénommé SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency), il « fournira jusqu'à 100 milliards d'euros sous forme de prêts aux pays qui en ont besoin afin que les travailleurs perçoivent un revenu et que les entreprises ne licencient pas. » (v. communiqué, communiqué questions-réponses et Factsheet sur le dispositif SURE). La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, est bien placée pour défendre le chômage partiel. Selon l’OCDE, lors de la crise de 2008, l’Allemagne a massivement recouru au chômage partiel : elle a consacré 10 milliards d’euros entre 2007 et 2010 (contre 1 milliard pour la France, à titre de comparaison) indemnisant 1,5 million de salariés et sauvant 235000 emplois (0.8% de l’emploi total). La période pendant laquelle l’État prenait à sa charge une partie du salaire versé pendant le chômage partiel était montée jusqu’à 24 mois au plus fort de la crise en 2009. Les syndicats s’étaient aussi battus pour que les entreprises maintiennent le niveau de recrutement des jeunes en apprentissage. Au final, « ces choix ont permis à l’Allemagne de sortir de la crise avec moins de chômeurs qu’en 2008 », expliquait Gerhard Bosch, Directeur de l’institut Arbeit und Qualifikation, dans une interview parue en 2011 (1). Fin 2012, alors ministre du Travail, Ursula von der Leyen avait assoupli le régime de chômage partiel pour soutenir le secteur automobile, en allongeant de six à douze mois la période pendant laquelle l’État prenait à sa charge une partie du salaire versé. Fin 2019, le gouvernement allemand a de nouveau assoupli les conditions d’accès au chômage partiel pour aider un secteur automobile en berne. Avec la crise du Covid-19, le gouvernement allemand estime que 2,35 millions de salariés devront être placés en chômage partiel. À la sortie de la crise de 2008, de nombreuses études ont vanté les mérites du chômage partiel adopté par plusieurs pays qui ne disposaient pas de cet outil (v. 4. Études et rapports). Cependant, le chômage partiel n’est pas resté aux agendas de la Commission et des États membres, et c’est regrettable. L’Union européenne s’honorerait pourtant de disposer d’un dispositif pérenne garantissant aux travailleurs le maintien d’une large part de leur rémunération ainsi que de leur contrat de travail en cas de circonstances exceptionnelles. Prise de court, face à l’urgence de la crise sanitaire et économique, la Commission ne peut qu’actionner l’arme financière — sans doute insuffisante (v. Une question à…) – pour inciter les États membres à emprunter auprès d’elle à des conditions avantageuses afin de financer leur dispositif de chômage partiel ou, ce qui est nouveau par rapport à la crise de 2008, de soutien aux travailleurs indépendants. Il faudra cependant que la solidarité soit au rendez-vous : chaque prêt devant être validé par les Vingt-Sept. De même, la Commission annonce qu’elle va accélérer les travaux au sujet du mécanisme de réassurance chômage européen, qui figure dans son programme de travail. Il s’agit de faire jouer la solidarité européenne pour financer le régime chômage d’un État membre faisant face à une forte dégradation de son marché du travail en raison d’un choc externe. L’initiative SURE a reçu le plein soutien de la Confédération européenne des syndicats ( v. communiqué).


(1) Liaisons sociales Europe n° 290, 17 novembre 2011


1. Union européenne
Actualité sociale

  • Professions critiques: la Commission européenne a présenté, le 30 mars, une communication sur des lignes directrices pour garantir la libre circulation des travailleurs exerçant des professions critiques dans la lutte contre la pandémie de coronavirus. Les orientations dressent une liste de travailleurs pour qui il est essentiel de pouvoir continuer à circuler librement. (v. communiqué). 

  • Distribution de dividendes : la Confédération européenne des syndicats a lancé un appel très clair à suspendre de versement de dividendes dans les entreprises afin de conserver ces ressources (qu’elle estime à 359 milliards d’euros) pour « protéger les emplois et les salaires » (v. communiqué). Des discussions ont lieu dans de nombreux groupes, impliquant parfois les CE européens.


Jurisprudence

Suspicion de fraude au détachement : la compagnie aérienne low-cost espagnole, Vueling, a fait l’objet de deux contentieux en France pour avoir employé des personnels navigants sous statut de travailleurs détachés. En 2012, la Cour d’appel de Paris a déclaré Vueling coupable de travail dissimulé pour avoir irrégulièrement détaché des travailleurs en France et a condamné cette société à une amende de 100 000 euros. La Cour a noté que Vueling avait intentionnellement méconnu les règles applicables, notamment en domiciliant 41 des travailleurs concernés à l’adresse de son propre siège social en Espagne sans avoir été en mesure de donner une explication sérieuse susceptible d’écarter la suspicion de fraude. Le jugement a été confirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation en 2014. Suite à ce jugement, le TGI de Bobigny a été saisi par une caisse de retraite française à laquelle le personnel de Vueling exerçant à l’aéroport Roissy-Charles-De-Gaulle aurait dû être affilié. Le tribunal, s’est tourné vers la Cour de justice pour lui demander si, compte tenu de la condamnation pénale pour travail dissimulé, elle pouvait écarter la validité des certificats A1 délivrés aux travailleurs détachés concernés. Ces certificats sont délivrés par le régime de sécurité social espagnol pour attester leur affiliation à son régime. Quatre ans après les faits, les autorités françaises ont demandé au régime espagnol de les retirer, conformément à une procédure de dialogue entre les institutions prévue par la législation européenne, mais ce régime a maintenu leur validité au motif que le retrait rétroactif poserait trop de difficultés pratiques de mise en œuvre. En refusant de considérer qu'une suspicion de fraude permet à un juge national d'écarter les certificats A1, la Cour de justice douche les espoirs de ceux qui estiment que les autorités françaises pouvaient se faire justice elles-mêmes en écartant la validité des certificats A1 sur la base du jugement pénal français ayant démontré une fraude. Pour la Cour, les autorités et juridictions françaises « ne peuvent constater l’existence d’une fraude et écarter en conséquence ces certificats qu’après s’être assurées », d’une part, que la procédure de dialogue a été « promptement enclenchée » afin de permettre au régime espagnol de vérifier la validité des certificats sur la base des éléments fournis par les autorités françaises. D’autre part, le régime espagnol doit s’être abstenu « de procéder à un tel réexamen et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur ces éléments, le cas échéant, en annulant ou en retirant les certificats en cause ». Seul le respect de ces étapes peut permettre aux autorités du pays d’accueil d’écarter la validité des certificats A1. De plus, la Cour juge que la condamnation au pénal (qui repose, selon elle, sur une méconnaissance du droit de l’UE) ne permet pas au tribunal civil saisi par la caisse de retraite d’écarter la validité des certificats A1 pour condamner Vueling à lui verser des dommages et intérêts au titre des cotisations sociales non versées par le personnel navigant de Vueling. Au final, cette application rigoureuse du droit de l’UE n’aura pas permis de déjouer une suspicion de fraude au détachement, et ce en raison du manque de réaction rapide de l'administration française (CJUE, 2 avril 2020, aff. C‑370/17 et C‑37/18, CRPNPAC et Vueling).



  • Transfert vers plusieurs entreprises : une salariée était employée par une société de nettoyage pour intervenir dans plusieurs bâtiments de la ville d’Anvers (Belgique). Son employeur ayant perdu le marché suite à un appel d’offres, les prestations de nettoyage sont réparties entre les deux sociétés qui ont remporté le marché. L’une des deux refuse de reprendre la salariée estimant qu’il n’y a pas eu de transfert d’entreprise. La Cour de justice estime, pour la première fois, que le transfert du contrat de travail peut se faire vers deux entités différentes au prorata des fonctions exercées par la salariée avant le transfert, à condition de ne pas détériorer les conditions de travail et droits de la salariée concernée. Dès lors que la scission du contrat de travail se révèle impossible ou entraîne une telle détérioration, « ce contrat peut être résilié ». Dans ce cas, la résiliation doit être considérée comme étant intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l’initiative du travailleur (CJUE, 26 mars 2020, aff. C-344/18, ISS Facility Services).


Dialogue social européen

  • Déclaration commune : les partenaires sociaux européens ont adopté une déclaration commune, le 24 mars, pour inviter les gouvernements à approuver les mesures proposées par la Commission européenne « sans aucun retard, ni avec des changements qui pourraient en affaiblir l’impact ». Les signataires appellent les États à impliquer les partenaires sociaux nationaux dans la conception et la mise en œuvre des mesures nationales. Il s’agit de « maintenir les travailleurs dans leur emploi pendant ce temps, pour les protéger contre le chômage et la perte de revenus, et pour atténuer les pertes financières ». Une aide financière doit parvenir « aux entreprises, en particulier à tous les types de PME, et à tous les travailleurs, y compris les indépendants et les personnes ayant un emploi précaire qui sont les plus vulnérables. »

Dialogue social sectoriel

  • Déclarations communes : pour faire face à la crise de Covid-19, les partenaires sociaux européens de plusieurs secteurs d’activité ont adopté dernièrement des déclarations communes. C’est notamment le cas du secteur financier, des services sociaux ou de l’industrie agroalimentaire. Des organisations patronales ont également adopté des déclarations, notamment à l’attention des autorités, pour réclamer des moyens de prévention pour les salariés (industrie du nettoyage). Les sites des fédérations syndicales européennes citées ci-dessous (2. États membres), assurent un suivi de ces prises de positions. Les messages principaux visent la protection des travailleurs et des demandes de soutien à l’économie et au maintien des emplois.

2. États membres

La rédaction d’IR Notes se mobilise pour vous informer des mesures prises dans chaque pays pour faire face à l’épidémie de Covid-19. : avec l’aide de nos correspondants et des contacts pris auprès de tous les ministères du Travail et des partenaires sociaux des États membres, nous vous proposons un nouveau panorama. Des ressources sont aussi mises en ligne sur le site IR Share et sur notre Page Facebook. Vous trouverez des informations en anglais et en français sur les pays que nous n’avons pas pu traiter dans ce numéro. N’hésitez pas à télécharger sur notre site tous les documents qui vous semble utiles et/ou à poster des informations sur notre page Facebook. Par ailleurs, nous vous encourageons à suivre également les pages dédiés à cette crise sur les sites de la Confédération européenne des syndicats et de l’Institut syndical européen qui a reconverti sa page Reformwatch en Covid Social Impact pour suivre pays par pays les initiatives mises en œuvre. Signalons aussi les pages des fédérations syndicales européennes IndustriAll Europe (métallurgie, bien documentée),  EFBW (construction) et EFFAT (agroalimentaire) ainsi que le centre de ressources mis en ligne par l’OCDE.


Allemagne

Amélioration du chômage partiel : les partenaires sociaux au niveau sectoriel ont multiplié les accords pour améliorer le régime légal de chômage partiel qui permet de compenser de 60% à 67% du salaire. Ainsi des accords ont été signés dans la métallurgie (v. IR Notes 138), la chimie, l’industrie du papier et l’industrie verre. Dans la chimie, l'indemnisation est portée à 90 % du salaire net. La mise en chômage partiel peut être introduite plus rapidement avec un délai de trois jours. Il est aussi prévu de faciliter le travail à distance et de permettre des prises de postes de 12 heures pour limiter les contacts et les déplacements.


Espagne

  • Soutien aux personnes vulnérables : le gouvernement a adopté un décret, daté du 31 mars, qui prévoit des mesures visant à apporter un soutien à certains groupes vulnérables spécifiques, tels que les travailleurs domestiques, les intérimaires qui ont perdu leur emploi et n'ont pas droit aux allocations de chômage, les personnes qui ne peuvent pas payer leur logement, les femmes victimes de violence à caractère sexiste et les indépendants.

Hongrie

  • Dérogations au code du travail : avant l’adoption de la loi, le 30 mars, permettant au gouvernement de Viktor Orban, de légiférer par ordonnances dans le cadre d’un état d’urgence à durée indéterminée, le gouvernement a adopté le décret 47/2020 dont l’article 6, paragraphe 4, permet à l’employeur de déroger, dans un sens favorable ou défavorable au salarié, à toutes les dispositions du code du travail par un accord entre les parties.

Italie

Protocole sur les « entreprises essentielles » : si la plupart des lieux de travail ont été fermés en raison des décrets pris par le gouvernement pour limiter la propagation de Covid-19, les travailleurs des entreprises encore en activité ont exprimé de vives inquiétudes en matière de santé et de sécurité et ont exigé des mesures de prévention pour arrêter la contagion sur le lieu de travail. Des salariés se sont mis en grève et une grève régionale a été déclenchée par les métallurgistes des régions de Lombardie et du Latium. Cette pression a conduit le gouvernement à discuter d'un protocole avec les partenaires sociaux qui a abouti à un accord, le 25 mars, après « une négociation très difficile et technique », souligne la confédération syndicale CGIL, sur une liste d’ «entreprises essentielles » autorisées à poursuivre leurs activités.


Pologne

Atteinte à l’autonomie des partenaires sociaux : l’ensemble des partenaires sociaux qui siègent au sein du Conseil du dialogue social, une instance consultative indépendante à laquelle participent les huit organisations patronales et syndicales représentatives, ont adressé, le 28 mars, une lettre commune au gouvernement pour protester contre  « une attaque » des autorités contre l’indépendance de cette à qui instance et l’autonomie des organisations de partenaires sociaux ». Selon les signataires, la nouvelle loi sur la lutte contre Covid-19, adoptée le jour même par la chambre basse, contient une disposition autorisant le Premier ministre, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, à démettre de leur fonction les membres du Conseil. Les partenaires sociaux polonais ont reçu le plein soutien des partenaires sociaux européens (v. lettre conjointe).


République tchèque

  • Un effort en faveur des indépendants: parmi les mesures adoptées entre le 24 et le 26 mars en réponse à la crise du Covid-19, le gouvernement entend soutenir les travailleurs indépendants par des prêts sans intérêt et par une exonération du paiement des avances minimales sur les assurances maladie et sociale pendant six mois. En outre, les indépendants qui ont été lésés par les mesures de restriction (fermeture de commerce…) et qui n'ont pas d'autres sources de revenus recevront une aide financière directe s'élevant à 15 000 couronnes (549 €) par mois. L’État prend à sa charge les salaires des employés des restaurants et magasins fermés en raison de l’épidémie, à hauteur de 80% pendant dix jours. Les entreprises pourront opter pour un régime de chômage partiel dans lequel l’État prend en charge de 50% à 80% du salaire des salariés. L’État compense aussi les revenus des parents d’enfants de moins de 13 ans privés d’école et qui doivent être gardés à la maison.

> Voir aussi les mesures adoptées au Portugal visant à atténuer les effets de la crise de Covid-19 sur l'emploi, et le Labour reports on Labour Law (Février 2020) publié par la Commission européenne.


3. Entreprises
Comité d’entreprise européens

Recommandations syndicales dans le contexte de Covid-19 : les fédérations syndicales européennes ont adressé des recommandations à leurs affiliés destinées aux membres de CE européens (et comités de SE/groupes spéciaux de négociation) pour faire face à la crise de Covid-19. Les fédérations veulent « garantir que la vidéoconférence ne remplace pas une véritable réunion physique et que la direction n’utilise pas la crise du Covid-19 comme prétexte pour annuler » les réunions ordinaires en 2020. En revanche, elles considèrent que cette crise constitue une « circonstance exceptionnelle de nature de facto transnationale [qui] justifie la tenue de réunions extraordinaires d’information et de consultation concernant l’impact potentiel de la crise sur les intérêts des travailleurs ». Elles recommandent « exceptionnellement de recourir à des réunions en ligne, dans des conditions spécifiques à convenir par les deux parties ». De plus, « il doit être clairement établi que la tenue de réunions par vidéoconférence doit être limitée à la durée de la crise du Covid-19 ». Les fédérations estiment que les comités doivent demander à la direction un point d’information régulier sur la situation et s’assurer que chaque membre d’instances européennes rend régulièrement compte de la situation dans son pays.




  • Comité restreint temporaire de crise : en raison de l’annulation de la réunion inaugurale du CE européen de Coca-Cola European Partners (v. IR Notes n° 135), des membres du groupe spécial de négociation, appuyés par leur fédération syndicale européenne Effat, ont demandé à la direction de mettre en place un « comité restreint de crise » afin d’assurer un minimum d’information et de consultation le temps que le CE européen soit réuni et puisse procéder à l’élection d’un comité restreint en bonne et due forme.

Responsabilité sociale

Maintien des salaires et fonds de solidarité : face à la crise de Covid-19, le groupe agro-alimentaire Danone a annoncé les quatre mesures suivantes : 1° Tous les contrats de travail sont sécurisés et les salaires garantis pour ses 100 000 salariés dans le monde jusqu’au 30 juin. 2° Une couverture étendue (santé, garde d’enfants, quarantaine) est garantie pour tous les salariés dans le monde. 3° Une prime spécifique est prévue pour tous les salariés travaillant sur leur site pendant la pandémie. 4° Un soutien financier de 250 millions d’euros aidera « les 15 000 petites entreprises de notre écosystème mondial » (v. communiqué et vidéo du PD-G Emmanuel Faber). D’autres groupes ont constitué des fonds de solidarité, en partie financés par des diminutions de rémunération fixes et/ou variables des dirigeants et/ou du versement des dividendes. Le groupe de restauration collective Sodexo a annoncé la mise en place d’un programme mondial de soutien aux salariés doté de 30 millions d’euros (v. communiqué). Le groupe hôtelier Accor a créé un fonds doté de 70 millions d’euros pour prendre en charge notamment les frais d’hospitalisation des 300000 salariés et collaborateurs qui ne bénéficieraient pas d’une couverture sociale (v. communiqué). D’autres groupes ont annoncé des réductions de rémunération de dirigeants comme Michelin ou Plastic Omnium sans affectation spécifique, mais par solidarité avec les salariés en chômage partiel. Le groupe énergétique Enel a mis en place une police d'assurance pour couvrir les plus de 68000 employés du groupe dans le monde entier en cas d'hospitalisation due au virus COVID-19 (v. communiqué).


4. Études et rapports

Chômage partiel en Europe : En Europe, avant la crise de 2008, une douzaine d’États avait mis en place un mécanisme de chômage partiel et neuf pays qui n’avaient pas un tel dispositif ont en mis un  en place pour faire face à la crise, selon un document de travail de la Commission, publié en 2010. Dans un rapport publié en 2010, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail a étudié 15 régimes de chômage partiel soulignant l’importante variation de l'ampleur de la réduction maximale du temps de travail : de 10% à 100 % avec une compensation de 55% à 80 % de la perte de salaire. Surtout, le rapport plaidait pour une mise en place permanente de tels dispositifs couplés avec un accès à la formation professionnelle. Une étude très complète de l’OCDE publiée en janvier 2011, a aussi souligné que « les systèmes d’indemnisation du chômage partiel ont un impact économique important dans la préservation de l’emploi en phase de ralentissement de l’économie ». Peu de documents récents offrent un panorama des dispositifs en place dans les différents pays européens, d’autant plus qu’ils sont rapidement modifiés en fonction de l’évolution de la situation nationale. Cependant, la base de données des instruments législatifs d’Eurofound, mis à jour en 2019, donne un résumé des principaux régimes existant (en recherchant les dispositifs de « working time flexibility ») pour chaque pays. Une étude toute récente de l’Institut WSI (Hans-Böckler-Stiftung) sur le chômage partiel dans la crise du corona (Kurzarbeitergeld in der Corona-krise) fait le point sur les réglementations en vigueur en Allemagne (ainsi que sur les conventions collectives sectorielles qui améliorent le revenu de remplacement par rapport au dispositif légal) et en Europe. Enfin, à jour également, la Briefing note de la Confédération européenne des syndicats, du 30 mars, qui propose un tableau synthétique des dispositifs en vigueur, intégrant les derniers changements apportés par les États membres.