IR Notes 167 – 29 juin 2021
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  Une question à…
Laurent Vogel, chercheur associé à l’Institut syndical européen

Quelle analyse faites-vous de la communication de la Commission européenne relative à la nouvelle stratégie de l’UE en matière de santé et de sécurité au travail (v. À la Une) ?
La première chose qui m’a frappé est la faible prise en compte de ce que l’on a appris avec la pandémie du Covid-19. Il y a certes quelques références, dont celle très juste sur le fait que les femmes ont été plus touchées que les hommes, mais globalement la communication aurait pu être écrite il y a deux ans. Les inégalités entre groupes socio-professionnels en termes de mortalité ou d’hospitalisation liées au Covid ont été énormes. Pourtant, la communication n’analyse pas les leçons du Covid dans ce qu’il y a de spécifique à la santé et à la sécurité au travail. Les gouvernements se sont contentés d’appliquer aux travailleurs les règles sanitaires générales imposées à toute la population (distanciation, gel et masque) sans prendre en compte cette spécificité, avec pour conséquence une prévention insuffisante. Résultat, l’activité professionnelle a été un facteur particulièrement important de contamination. Devant le Parlement européen, la Commission avait envisagé une révision de la directive agents biologiques pour qu’elle prenne en compte les risques liés à une pandémie. Visiblement cette option a été abandonnée. À la place, elle entend simplement inviter les États membres, dans une recommandation non contraignante, d’inclure le Covid-19 dans les tableaux de maladies professionnelles. La plupart des pays l’ont déjà fait, mais de manière très restrictive, ce qui n’apporte pas grand-chose à l’ensemble des salariés.
Ma deuxième remarque concerne l’objectif « zéro mort au travail », qui est louable mais on peut s’interroger sur les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. La Commission veut accroître la sensibilisation sur ces questions et renforcer la capacité des employeurs, dans une logique assez verticale où l’employeur édicte des règles qui doivent être respectées par les salariés. Cette vision n’est pas novatrice !
Par ailleurs, il faut saluer le fait que pour la première fois une stratégie européenne en la matière s’intéresse aux maladies cardio-vasculaires. Cependant la réponse est un peu faible : la Commission veut augmenter les connaissances sur le sujet. Mais nous avons déjà des études, suédoises notamment, qui constatent par exemple des liens entre ces maladies et le travail de nuit, le travail posté ou des longues heures de travail ainsi que le rôle des facteurs psychosociaux. La Commission aurait pu déjà annoncer des mesures plus concrètes.
Parmi les déceptions, je relève deux points : d’une part, la Commission annonce qu’elle va s’occuper des troubles musculo-squelettiques (TMS) qui constituent la plainte numéro 1 des travailleurs en matière de santé au travail, sans donner d’autre indication, alors qu’un brouillon de proposition de directive existe dans les tiroirs de la Commission depuis 2008. D’autre part, la Commission entend dresser une liste des substances reprotoxiques pour lesquelles il faut protéger les travailleurs, et laisse entendre qu’elle élaborera ensuite des directives pour chacune. Ce n’est pas la bonne démarche. La liste, on la connaît déjà, et ces substances devraient être intégrées dans la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes pour permettre une approche cohérente face aux substances les plus préoccupantes. Dernier point : l’exposition aux pesticides est passée sous silence.

 
  Agenda

 


6 et 7 juillet
On-line
En relation avec le livre récemment publié “European Works Councils In Croatia : Experiences And Opportunities For Further Development”, l'Institut pour le développement et les relations internationales et l'Union des syndicats autonomes de Croatie organisent une formation en ligne sur les CE européens (plus de détails de notre expert national Predrag Bejakovic).

 
  Dictionnaire européen des relations sociales

Si vous souhaitez aller plus loin dans la lecture d’IR Notes nous mettons à votre disposition des liens vers le Dictionnaire européen des relations sociales, publié par Eurofound, et régulièrement mis à jour par IR Share, éditeur d’IR Notes. Les définitions des termes sont disponibles en anglais et facilement convertibles grâce à des outils de traduction en ligne.

 
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L’équipe : ce numéro a été préparé par Predrag Bejakovic, Christer Thörnqvist, Pascale Turlan et Frédéric Turlan.
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À la Une
La Commission européenne fixe l’objectif de zéro décès sur les lieux de travail

La Commission européenne a présenté, le 28 juin, le cadre stratégique de l'UE en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027 qui dresse le panorama des futures actions de l’Union européenne pour réduire le nombre des accidents du travail (3300 accidents du travail mortel par an et 3,1 millions d’accidents non mortels) et celui des travailleurs qui décèdent suite à une maladie professionnelle (200 000 par an) (v. communiqué de presse). Si la fréquence des accidents mortels a diminué d’environ 70% entre 1994 et 2018, la diminution s’est fortement ralentie depuis 2009, justifiant de nouvelles initiatives au niveau de l’UE. Dans ce nouveau cadre stratégique, la Commission déroule une série d’initiatives, certaines législatives et contraignantes, tandis que d’autres reposent sur les partenaires sociaux ou sur le financement de recherches et de campagnes de communication. Dans le domaine des interventions législatives, la Commission annonce une révision des directives concernées par la digitalisation et le recours au télétravail d’ici 2023: la directive 89/654, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour les lieux de travail et la directive 90/270 du 29 mai 1990 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation. Quant au droit à la déconnexion, réclamé avec force par le Parlement européen, la Commission explique qu’elle va assurer "un suivi approprié du sujet", sans évoquer ni date ni instrument. Pour lutter contre les maladies professionnelles, la Commission entend fixer ou revoir à la baisse certaines limites d’exposition, en 2022, en ce qui concerne l’amiante (directive 2009/148), le plomb et les isocyanates (directive 98/24) et, en 2024, pour le cobalt (directive 2019/130). L’accent est mis sur des substances auxquelles les travailleurs seront exposées dans le cadre de la transition écologique (rénovation thermique, batteries électriques). La Commission annonce aussi la mise à jour les règles de l'UE sur les substances dangereuses pour lutter contre le cancer, les maladies reproductives et respiratoires. Elle doit ainsi lancer une consultation des partenaires sociaux sur les valeurs limites réduites pour les fumées de soudage, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, l'isoprène et le 1,4-dioxane dans le cadre de la directive sur les agents cancérigène et mutagène, en 2023 et identifier une liste prioritaire de produits reprotoxiques, sans fixer de date. L’impact de la digitalisation est traité par une campagne de sensibilisation pilotée par l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, avec pour objectif de couvrir les troubles musculosquelettiques et les risques psychosociaux. Sur ce dernier point, les partenaires sociaux européens doivent évaluer les problèmes émergents liés à la santé mentale au travail et proposer des orientations pour l'action avant la fin de 2022. Un des objectifs affichés par la Commission est de développer une approche « Vision zéro » pour les décès liés au travail dans l'UE afin de les réduire au maximum.


1. Union européenne
Actualité sociale

Démocratie au travail et CE européens : la députée européenne Gabriele Bischoff (S&D) va présenter, le 1er juillet, devant la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, le projet de rapport d’initiative intitulé La démocratie à l’œuvre : un cadre européen pour les droits de participation des travailleurs et la révision de la directive sur le comité d’entreprise européen. Dans ce texte ambitieux, Gabriele Bischoff invite la Commission à introduire « une nouvelle directive-cadre sur l’information, la consultation et la participation des travailleurs pour les différents types d’entreprises européennes, y compris les chaînes de sous-traitance et les franchises […] afin d’établir des normes minimales sur des aspects comme l’anticipation des changements et des restructurations ». Il est nécessaire « de veiller à ce que l’information et la consultation fassent partie intégrante du processus décisionnel d’une entreprise à tous les niveaux ». La Commission devrait apporter des améliorations aux directives relatives aux sociétés européennes, aux sociétés coopératives européennes et au droit des sociétés. Il s’agit aussi de modifier la directive 2001/86 afin d’introduire des règles européennes minimales de représentation des salariés au sein des conseils de surveillance, de 2 à 3 sièges dans les entreprises dès 50 salariés jusqu’à la moitié des sièges dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Le rapport dénonce les lacunes de la directive sur les CE européens régulièrement mises en avant par les syndicats : garantir l’accès à la justice, mettre fin aux exemptions pour les anciens accords dits «volontaires» ; introduire des sanctions en cas de non-respect des droits d’information et de consultation ; consolider la notion de «caractère transnational d’une matière» ou encore  prévenir les abus des règles de confidentialité.
> Perspectives :
si le rapport est adopté par la commission à la rentrée puis en plénière, il obligera la Commission européenne à prendre position sur ce dossier et éventuellement enclencher une initiative, telle une consultation des partenaires sociaux européens (v. European social dialogue).



Reconnaissance biométrique et faciale : le Comité européen de la protection des données (EDPB) et le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) ont adopté, le 18 juin, un avis conjoint sur la proposition de règlement établissant des règles harmonisées en matière d’intelligence artificielle. Ils demandent 1° l’interdiction générale de toute utilisation de l'IA pour la reconnaissance automatisée des caractéristiques humaines dans les espaces accessibles au public (reconnaissance des visages, des empreintes digitales, et tous autres signaux biométriques ou comportementaux). 2° L’interdiction des systèmes d'IA utilisant la biométrie pour classer les individus dans des groupes basés sur tous les motifs pour lesquels la discrimination est interdite en vertu de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux. 3° L’interdiction de l'utilisation de l'IA pour tout type de notation sociale et pour déduire les émotions d'une personne physique (sauf cas très spécifiques, tels que certains objectifs de santé) (v. communiqué de presse). L’interdiction de la surveillance biométrique est aussi demandée par plus de 145 organisations, dont des organisations syndicales, dans une lettre ouverte (« ban biometric surveillance ») qui appelle notamment les salariés des entreprises technologiques, avec le soutien des syndicats, à s’organiser, dans la mesure du possible, contre le développement ou la vente des technologies de reconnaissance faciale ou de reconnaissance biométrique à distance (traducteurs v. p7 de la lettre). « La surveillance orwellienne des travailleurs, à leur insu et sans leur consentement, enfreint la législation européenne sur la protection de la vie privée ainsi que les valeurs et principes démocratiques fondamentaux de l'UE », rappelle Isabelle Schömann, secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats (v. communiqué), en présentant un Policy Brief de l’Institut syndical européen (Etui), rédigée par Aida Ponce Del Castillo, qui plaide en faveur de l’adoption d’une directive spécifique sur l’IA en matière d’emploi. La CES a adressé une lettre aux députés européens pour les inviter « à corriger le déséquilibre entre les intérêts des entreprises et des travailleurs dans les propositions de la Commission européenne » (v. sur la proposition de la Commission, IR Notes 163 et sur une précédente étude de l’Etui, IR Notes 165).



  • Plan de relance : l’organisation patronale européenne BusinessEurope a publié, le 11 juin, son baromètre des réformes (BusinessEurope Reform Barometer 2021) qui présente les avis de ses affiliés dans les États membres sur le plan de relance européen et ses déclinaisons nationales. Seulement 11 % des fédérations membres considèrent que l'impact des plans nationaux de relance et de résilience de leur pays sera soit important, soit très important. En outre, plus de la moitié des fédérations considèrent que leurs plans nationaux de relance et de résilience respectifs ne mettent pas suffisamment l'accent sur la compétitivité des entreprises, et notamment sur la recherche, le développement et l'innovation (v. communiqué).

  • Réunion des ministres du Travail du G20 : lors de leur réunion, le 23 juin, les ministres du Travail du G20 ont adopté une déclaration intitulée «Favoriser un redressement inclusif, durable et résilient des marchés du travail et des sociétés » (v. communiqué) qui comprend en annexe des engagements pour assurer de meilleurs emplois aux femmes, en rappelant leur volonté de réduire de 25% d’ici 2025 l'écart en matière de participation au marché du travail entre les femmes et les hommes. La déclaration évoque aussi une protection sociale adéquate pour tous, une règlementation du travail à distance (y compris le droit à la déconnexion) et du travail dans les plateformes numériques.


Jurisprudence

Liberté d’établissement et droit de grève : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt, le 10 juin, dans une affaire concernant un boycott mené par des dockers dans un port norvégien (Drammen, photo). La Cour précise que le principe de liberté d’établissement doit être pris en compte, parmi d’autres critères, pour vérifier la licéité d’une action collective, comme une grève ou un lock-out. En revanche, elle estime que le principe de liberté d’établissement n’est pas un droit fondamental de même niveau que la liberté d’association : ces deux libertés n’ont pas à être conciliées. « Le principe de la liberté d’établissement n'est pas un droit fondamental contrebalancé par la liberté d'association, mais plutôt un élément, bien qu'important, à prendre en considération dans l'évaluation de la proportionnalité d’une action collective » (v. communiqué de presse). Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), la CEDH a ainsi clairement indiqué que le droit de grève prime sur les « libertés économiques » du marché unique. « Il s'agit d'un arrêt important pour le mouvement syndical européen, se félicite la CES, car il établit une hiérarchie claire des droits, ceux des travailleurs primant sur les libertés économiques. Cette question a longtemps été controversée dans le cadre du droit communautaire, à la suite des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires Viking et Laval, que la Cour européenne des droits de l'homme vient de clarifier pour la première fois » (v. Viking et Laval ; Strike action at EU level).



  • Liberté d’expression et réseaux sociaux : dans un jugement rendu le 15 juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est penchée sur le sort d’une salariée employée comme agente de nettoyage au sein de l’éducation nationale en Turquie. Elle a été licenciée pour avoir ajouté la mention « j’aime » sur plusieurs contenus publiés sur Facebook par des tiers sur ce réseau et plutôt défavorables au gouvernement. La Cour souligne que le bouton « j’aime » pourrait être « considéré comme un moyen d’afficher un intérêt ou une approbation pour un contenu », et constitue « une forme courante et populaire d’exercice de la liberté d’expression en ligne ».  La CEDH souligne que les autorités nationales n’ont pas cherché à évaluer notamment la capacité des mentions « J’aime » en cause à provoquer des conséquences dommageables dans le lieu de travail de la requérante, compte tenu de la teneur des contenus auxquels elles se rapportaient, au contexte professionnel et social dans lequel elles s’inscrivaient, et de leur portée et impact potentiels. Dès lors, les motifs retenus en l’espèce pour justifier le licenciement de la requérante ne peuvent être considérés comme pertinents et suffisants. »


Syndicalisme

  • Guide sur le harcèlement et violence au travail : à l’occasion de l’entrée en vigueur de la Convention n°190 de l’OIT et de la recommandation 206, plusieurs fédérations syndicales internationales ont publié un guide pour les formateurs syndicaux et un manuel qui contient des exemples d’activités à utiliser dans le cadre de formation.

2. États membres
Allemagne

  • Aidants familiaux : dans un jugement rendu le 24 juin, la Cour fédérale indique que les aides familiaux étrangers détachés auprès d'un ménage privé en Allemagne ont droit au salaire minimum légal pour les heures travaillées. Cela inclut également le service de garde qui peut consister dans le fait que l'aidant doit vivre dans le foyer de la personne à soigner et qu'il est généralement obligé de travailler à toute heure du jour et de la nuit selon les besoins (v. communiqué).

Belgique

  • Accord interprofessionnel : les partenaires sociaux sont parvenus, le 8 juin, à un accord interprofessionnel pour la période 2021-2022 qui a été approuvé la semaine dernière par les trois centrales syndicales CSC, CGSLB et FGTB. Le texte relève notamment le salaire minimum à 1702 euros brut au 1er avril 2022 pour le porter ensuite en deux étapes à 1772 euros brut.  Le contingent d’heures supplémentaire passe à 120 heures pour tous les secteurs avec le maintien des mesures de défiscalisation. Le texte encadre aussi les augmentations générales de salaire qui pourront atteindre +0,4% sur deux ans (v. communiqués de la CSC, FGTB et de l’organisation d’employeurs FEB).

France

Suspension de la réforme de l’assurance chômage : saisi par plusieurs organisations syndicales qui contestent le décret du 30 mars 2021 relatif à la réforme de l’assurance chômage décidée par le gouvernement, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, a donné satisfaction aux syndicats dans une ordonnance du 22 juin. La juridiction suspend les règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet. Le Conseil d’État estime que les incertitudes sur la situation économique ne permettent pas de mettre en place, à cette date, ces nouvelles règles qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi en rendant moins favorable l’indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité. En cette période de reprise suite à la pandémie, dans de nombreux secteurs, les entreprises recourent largement aux contrats courts pour répondre à des besoins temporaires. Or, les nouvelles règles de calcul des allocations auraient pénalisé de manière significative les salariés de ces secteurs, qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité.  (v. communiqué).


Irlande

  • Semaine de 4 jours : le gouvernement a annoncé, le 22 juin, le lancement d’études sur les implications sociales, économiques et environnementales d’une réduction du temps de travail pour aller à la semaine de quatre jours notamment pour des questions de préservation de l’environnement. Tirant les leçons du développement du travail à la maison pendant la pandémie, le ministre de l'entreprise et de l'emploi, Leo Varadkar, a déclaré qu’il était « trop tôt pour dire si une semaine de travail de quatre jours pourrait fonctionner en Irlande. L'idée est ambitieuse : obtenir les mêmes résultats et la même productivité, pour le même salaire, avec 20 % d'heures de travail en moins » (v. communiqué).

Suède

Baisse de salaire chez Foodora : le premier accord collectif conclu entre l’entreprise de plateforme de livraison de repas, Foodora et un syndicat a abouti à une baisse de la rémunération des livreurs ayant le plus ancienneté. Foodora après avoir conclu des contrats de travail avec ses travailleurs a signé un accord collectif en février 2020 (v. communiqué) qui est entré en vigueur le 1er avril 2021. Une quarantaine de livreurs ont été confrontés à l’alternative de travailler pour un salaire moindre ou d’être licencié. L’entreprise applique les dispositions de l’accord collectif à tous les salariés sans tenir compte des modes de rémunération appliqués avant l’accord, qui étaient plus favorables ni de l’ancienneté des livreurs. Le syndicat estime qu’il y a une faille dans l’accord collectif et que Foodora n'est en aucun cas autorisée à baisser les salaires. Il a donc l'intention de saisir le tribunal du travail.
> Pour aller plus loin :
article (en anglais) de notre expert national, Christer Thornqvist.


3. Pays tiers
Norvège

  • Devoir de vigilance : le Parlement a adopté, le 10 juin, la loi sur la transparence, qui oblige les entreprises à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et de travail décent, non seulement dans leur chaîne d'approvisionnement, mais aussi dans toutes leurs relations commerciales. La loi exige des entreprises qu'elles effectuent des évaluations des risques et qu'elles précisent comment elles comptent les prévenir. Cette obligation va concerner les entreprises de d’au moins 50 salariés et qui réalisent au moins 70 millions de couronnes de chiffre d’affaires (environ 7 millions d’euros). Le Norwegian Forum for Devloppement, qui rassemble des ONG qui s’étaient mobilisées en faveur de ce texte, se félicite que ces seuils d’application sont bas, permettant de couvrir ainsi environ 8800 entreprises. Cependant, la loi n’aborde pas la responsabilité environnementale et les victimes de violations des droits de l'homme n'auront pas le droit de demander réparation devant les tribunaux (v. analyse du Norwegian Forum for Devlopment and Environment).

Royaume-Uni

Congé parental : pour garantir l’effectivité du droit au congé parental (Shared Parental Leave and Pay), le gouvernement a mis en place un outil en ligne pour aider les futurs parents à partager le temps libre pendant les premières étapes clés de la vie de leur bébé. Le congé parental permet aux parents de partager jusqu'à 50 semaines de congé et jusqu'à 37 semaines de rémunération au cours de la première année de vie de leur enfant. Avec le nouvel outil, les parents pourront vérifier leur éligibilité au système, calculer leur droit à la rémunération et télécharger tous les documents dont ils ont besoin pour obtenir le congé de leur employeur. À noter que les parents ont également accès à un maximum de 20 jours de « congé parental partagé en contact » (Shared Parental Leave in Touch Days - SPLiT) chacun. Ils peuvent utiliser un ou plusieurs de leurs jours SPLiT pour travailler pendant la semaine où ils sont en congé parental partagé, ce qui permet de tester le travail à temps partiel pendant leur congé parental partagé.



  • Droits des travailleurs : le gouvernement a annoncé, le 8 juin, la création d’un nouvel organisme pour protéger les droits des travailleurs. Le contrôle de la réglementation applicable en matière de lutte contre l'esclavage moderne, d'application du salaire minimum et de protection des intérimaires - actuellement réparties entre trois organismes différents - seront regroupées l’égide de cette nouvelle autorité (v. communiqué).


4. Entreprises
Société européenne

Dénonciation et non-maintien de l’accord : le tribunal d’instance de Pontoise a rendu une décision, le 23 juin, dans l’affaire opposant le comité d’entreprise européen d’Atos SE, soutenu par cinq organisations syndicales européennes, à la direction du groupe qui a dénoncé l’accord constitutif du comité européen d’Atos SE et annoncé la mise en place d’un groupe spécial de négociation pour négocier un nouvel accord (v. IR Notes 163). Le litige portait sur l’interprétation de l’article 23 § 4 de l’accord qui précise, qu’en cas de dénonciation, une négociation doit être entamée et « tant que les deux parties n’auront pas signé un nouvel accord, le présent accord prévaudra ». Les représentants des salariés ont considéré que le comité devait être maintenu tant qu’un nouvel accord ne serait pas signé. Pour le juge, la clause litigieuse n’est pas aussi claire qu’elle semble l’être. Il considère qu’elle heurte le principe inscrit dans le droit français, de la « prohibition des engagements perpétuels ». En effet, les dispositions de l’accord « ne prévoient aucun autre terme que celui d’un nouvel accord […] réduisant ainsi potentiellement à néant la faculté de résiliation unilatérale accordée à chacune des parties […], par l’effet du refus de l’autre partie à conclure un nouvel accord ». Comme il s’agit d’un problème d’interprétation du droit, le juge de référé estime qu’il n’y a pas de trouble manifeste à l’ordre public, et rejette la demande du comité européen. En outre, les représentants des salariés demandaient la mise en place un « comité provisoire », fonctionnant sur les bases des prescriptions subsidiaires de la directive sur l’implication des travailleurs dans la SE, en attendant de parvenir à un accord. « Cette notion de comité légal « provisoire » n’entre précisément dans aucune des prévisions du dispositif législatif du comité de société européenne » et l’absence de comité européen dans ce groupe alors que des restructurations sont en cours, ne présente pas un trouble manifestement illicite.


5. Études et rapports

Travail saisonnier : la Commission européenne a publié, le 15 juin, un rapport sur la mobilité intra-européenne des travailleurs saisonniers. Le rapport identifie les principaux défis auxquels sont confrontés entre 650 000 à 850 000 travailleurs saisonniers intracommunautaires (selon les estimations) : l’accès à l'information sur leurs droits, à une protection sociale adéquate, à un logement décent, à une rémunération et à des conditions de travail décentes (v. communiqué). Le rapport, annoncé dans la communication relative à des lignes directrices sur le travailleurs saisonniers dans l’UE dans le contexte de la crise du Covid-19, parue en juillet 2020, sort au moment où l’Agence européenne du travail lance sa première campagne sur les droits des travailleurs saisonniers.