IR Notes 176 — 15 décembre 2021
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***Toute l’équipe d’IR Share souhaite à ses lecteurs de passer de bonnes fêtes de fin d’année. Après une petite pause hivernale, nous vous retrouverons avec IR Notes 177, le 12 janvier 2022. Vous ne serez pas totalement privé d’information : nous continuerons à mettre à jour le site IR Share et vous pourrez aussi nous suivre le compte Twitter @IR_Share.***

 
  Edito
Pour l’Europe sociale, c’est Noël

Ce numéro d’IR Notes en témoigne : l’Europe sociale fait son retour sur la scène européenne : le 6 décembre, les ministres du Travail ont adopté deux positions – sur la directive relative aux salaires minimums adéquats et celle sur la transparence salariale – ouvrant la voie à des négociations avec le Parlement européen, qui pourraient aboutir à l’adoption des directives au premier semestre 2022. Quelques jours plus tard, la Commission européenne a lancé, coup sur coup, une consultation sur des lignes directrices en vue de permettre aux travailleurs indépendants de conclure des accords collectifs sans enfreindre le droit de la concurrence ; un plan d’action pour l’économie sociale ; des propositions de recommandations pour développer les comptes individuels de formation et les microcertifications ainsi qu’une proposition de directive pour améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques. De plus, ce texte introduit de nouveaux droits numériques relatifs à la gestion algorithmique des ressources humaines, pour l’instant ciblés sur les travailleurs des plateformes, mais qui seront sans aucun doute repris dans une future législation visant à encadrer le recours à l’intelligence artificielle qui s’appliquera à tous les salariés. Hier, la Commission a publié des orientations en vue d'une transition équitable et inclusive vers la neutralité climatique sous la forme d’une proposition de recommandation du Conseil qui invite les États membres à élaborer et à mettre en œuvre des mesures garantissant une transition équitable vers la neutralité climatique, en prenant en considération les aspects sociaux et liés à l'emploi. Enfin, le Parlement a devait adopté ce jeudi le rapport d’initiative « sur la démocratie à l’œuvre », présenté par la député européenne Gabriele Bischoff, demandant à la Commission une nouvelle directive pour renforcer les droits à l’information, la consultation et la participation des travailleurs ainsi qu’une révision de la directive sur les comités d’entreprise européens. C’est bien Noël sous le sapin de l’Europe sociale ! Mais comme souvent à Noël, il manque un paquet : la Commission est en mode silence radio en ce qui concerne la proposition de directive imposant un devoir de vigilance aux entreprises qui opèrent à travers le monde, dont la présentation est sans cesse reculée depuis le printemps. Elle figurait expressément dans le programme de travail 2021 de la Commission et n’apparaît pas dans celui pour 2022. Il ne reste plus que 15 jours pour tenir ses promesses et que la fête soit complète !
La rédaction d’IR Notes s’attend donc à une année 2022 riche en initiatives. Plus que jamais nous avons besoin de votre soutien pour être en capacité d’effectuer ce travail de veille. IR Notes ne dépend que de ses lecteurs, et nous avons besoin de votre aide pour nous faire connaître et gagner la confiance de nouveaux abonnés ! N’hésitez pas à faire circuler cette lettre dans vos réseaux en ajoutant le lien vers la page d’abonnement : http://www.irshare.eu/fr/s-abonner-a-ir-notes-_54.html


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  Agenda

 


17 janvier au 27 février
En ligne
2e édition allemande de la formation en ligne "CEE : les règles du jeu" à raison d’environ 2 heures de travail par semaine. Les inscriptions sont à faire avant le 10 janvier 2022 en remplissant le formulaire en ligne disponible ici : https://bit.ly/3FTJU3i. Cette formation est gratuite.


14 et 15 février
Bordeaux
Conseil Emploi et Affaires sociales.

 
  Dictionnaire européen des relations sociales

Si vous souhaitez aller plus loin dans la lecture d’IR Notes nous mettons à votre disposition des liens vers le Dictionnaire européen des relations sociales, publié par Eurofound, et régulièrement mis à jour par IR Share, éditeur d’IR Notes. Les définitions des termes sont disponibles en anglais et facilement convertibles grâce à des outils de traduction en ligne.

 
  Qui sommes-nous ?


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est une lettre d'information diffusée tous les 15 jours, disponible en plusieurs langues européennes (allemand, anglais, espagnol, français, italien) et réalisée par IR Share et son réseau d’experts. Elle propose une veille européenne sur le droit du travail, les relations sociales et la politique de l’emploi. Elle est en vente sur abonnement pour un montant de 18 euros HT par mois sur le site IR Share.


L’équipe : ce numéro a été préparé par Pascale Turlan, Frédéric Turlan et Aimee Waldon.
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À la Une
La Commission européenne bien décidée à protéger les travailleurs des plateformes

C’est sans doute une des initiatives les plus progressistes prise par la Commission européenne depuis une vingtaine d’années : elle a proposé une directive qui, d’une part, instaure une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques qui remplissent certains critères démontrant un lien de subordination et, d’autre part, accorde de nouveaux “droits numériques” aux travailleurs des plateformes tant pour les salariés que pour les indépendants, en ce qui concerne la gestion algorithmique. Il s’agit là d’une innovation du droit de l’UE que l’on imagine mal restée réservée à l’avenir aux seuls travailleurs des plateformes (v. communiqué de presse). Il n’est pas étonnant que des chauffeurs de véhicule aient fait le déplacement devant la Commission pour offrir un bouquet de fleur à Nicolas Schmit, le commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux, afin de le remercier de les avoir entendus. Il faut remonter loin dans le temps pour entendre une représentante du groupe de la Gauche unitaire européenne au Parlement européen, en l’occurrence Leïla Chaibi, qui a accompagné cette délégation (v. photo), féliciter un commissaire européen, lançant sur Twitter un « well done » à Nicolas Schmit.  Ainsi, le 9 décembre, la Commission a publié trois textes : 1° une communication exposant l'approche de l'UE et ses mesures en matière de travail via une plateforme, mesures qui seront complétées par les actions que les autorités nationales, les partenaires sociaux et les autres acteurs pertinents devraient mettre en œuvre à leur échelle; 2° un projet de lignes directrices précisant l'application du droit de la concurrence de l'UE aux conventions collectives des travailleurs indépendants (v. ci-dessous) ; 3° une proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme qui prévoit des mesures visant à déterminer correctement le statut professionnel des travailleurs des  plateformes de travail numériques.
La proposition de directive fournit une liste de cinq critères permettant de déterminer si la plateforme est un « employeur » (article 4.2) ; comme celui de fixer le niveau de rémunération ou de superviser l'exécution du travail ou de vérifier la qualité des résultats du travail, y compris par des moyens électroniques. Si la plateforme remplit au moins deux des cinq critères, elle sera alors juridiquement présumée être un « employeur » et devra traiter les travailleurs concernés comme des « salariés ». Si elle conteste une telle qualification, elle devra prouver qu'il n'existe pas de relation de travail, ce qui allégera considérablement la tâche des travailleurs qui demanderont la requalification de leur relation de travail en salariat. Par ailleurs, la directive renforce la transparence dans l'utilisation des algorithmes par les plateformes. Selon la directive, les plateformes ne doivent pas utiliser « de systèmes de surveillance et de prise de décision automatisés d'une manière qui exerce une pression excessive sur les travailleurs de la plateforme ou qui met en danger la santé physique et mentale de ces derniers » (article 7.2). Par ailleurs, en cas de décisions défavorables au travailleur, comme une déconnexion, la plateforme doit permettre aux travailleurs « d'avoir accès à une personne de contact désignée (…) pour discuter et clarifier les faits, les circonstances et les raisons ayant conduit à la décision » (article 8) décision qui pourra être contestée. Par ailleurs, les plateformes devront informer et consulter les travailleurs et leurs représentants sur les décisions de gestion algorithmique (article 9). Le texte doit maintenant être discuté au sein du Conseil et au sein du Parlement européen.

> Pour en savoir plus : article analysant le texte présenté par la Commission de Valerio De Stefano et Antonio Aloisi, « European Commission takes the lead in regulating platform work », publié par Social Europe. À lire aussi, l’ETUI Policy Brief , Does it pay to work? Unpaid labour in the platform economy, qui analyse les temps et activités non rémunérées des travailleurs des plateformes.


1. Union européenne
Projets

Feu vert du Conseil pour négocier deux directives : Les ministres européens de l’Emploi et des Affaires sociales, lors du Conseil du 6 décembre, ont arrêté leur position sur la proposition de directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l'UE (v. communiqué de presse, et IR Notes 151) pour la proposition de la Commission). Le Conseil a adopté sa position malgré les rejets du Danemark et de la Hongrie et les abstentions de l’Allemagne et de l’Autriche. Les négociations vont pouvoir débuter avec le Parlement européen (v. texte adopté par le Parlement, IR Notes 174) pour rapprocher leurs positions en vue d’adopter la directive sur le salaire minimum sous la présidence française de l’UE. Le Conseil a également adopté une position sur la proposition de directive sur la transparence des rémunérations (v. communiqué de presse et IR Notes 159, pour la proposition de la Commission). Pour cette directive, les négociations pourront commencer dès que le Parlement se sera prononcé (le vote en commission est prévu le 10 février 2022). Le texte, qui a été adopté avec cinq abstentions (Allemagne, Autriche, Hongrie, Suède, Slovaquie), servira de base pour la négociation avec le Parlement, avec en ligne de mire un sujet de friction : le seuil à partir duquel pèseront les obligations de transparence pour les employeurs. La proposition de la Commission fixe ce seuil à 250 salariés, accepté par le Conseil, tandis que Parlement envisage un seuil plus bas, l’une des rapporteuses souhaitant le fixer à 50 salariés. Mais si certains États semblent favorables à réduire le seuil (Espagne, Italie, Finlande, Luxembourg), d’autres, comme les Pays-Bas ont clairement annoncé que le seuil de 250 était un minimum et constituait la « ligne rouge » à ne pas franchir, comme l’a rapporté le ministre du Travail slovène, Janez Cigler Kraljj (v. photo), lors de la conférence de presse.
Le Conseil a également approuvé deux conclusions : 1° sur le travail durable tout au long de la vie afin d’assurer aux personnes d'entrer et de rester dans le monde du travail tout au long d'une vie active ; 2° sur l'impact de l'IA sur l'égalité de genre sur le marché du travail qui lorsqu’elle est utilisée pour la gestion des ressources humaines doit favoriser la transparence et l'égalité de genre, particulièrement en matière de rémunération, de formation, d'accès à la promotion et de progression de carrière.
>
Voir aussi : communiqué de presse de l’ensemble des points traités lors du Conseil.


Actualité sociale

  • Accès des indépendants à la négociation collective : En même temps que ses propositions en faveur des travailleurs des plateformes (v. À la Une), la Commission européenne a présenté des lignes directrices sur l'application du droit européen de la concurrence aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants solos, c’est-à-dire ceux qui n’emploient pas de salariés. Ces lignes directrices précisent que certaines catégories de conventions collectives, conclues par des travailleurs indépendants qui sont « dans une situation comparable à des salariés » ne relèvent pas du champ d'application de l'article 101 du TFUE (qui interdit les accords entre entreprises qui restreignent la concurrence au sein du marché intérieur, notamment s'ils fixent directement ou indirectement les prix d'achat ou de vente). Les indépendants placés « dans une situation comparable à des salariés » sont les travailleurs économiquement dépendants, ceux qui travaillent « côte à côte » avec des salariés ou ceux qui travaillent pour des plateformes numériques. De plus, les lignes directrices précisent que la Commission n'interviendra pas contre certaines autres catégories de conventions collectives comme celles conclues par des travailleurs indépendants solos avec des entités disposant d'une certaine puissance économique : une ou des entités qui représentent la totalité d’un secteur d’activité, ou une entité dont le chiffre d'affaires annuel cumulé est supérieur à 2 millions d'euros ou dont l'effectif est égal ou supérieur à 10 personnes, ou bien avec plusieurs entités qui dépassent conjointement l'un de ces seuils. Face à ces entités, la Commission note que les travailleurs indépendants solos disposent d’un pouvoir de négociation insuffisant pour influencer leurs conditions de travail. Le projet de communication présentant les lignes directrices est soumis à une consultation publique jusqu’au 24 février 2022 et les contributions peuvent être adressées par mail, dans toutes les langues de l’UE, sur cette adresse : COMP-COLLECTIVE-BARGAINING-1@ec.europa.eu.


Plan d’action pour l’économie sociale : la Commission européenne a présenté, le 9 décembre, une communication intitulée « Construire une économie qui fonctionne pour les gens : un plan d'action pour l'économie sociale » qui vise à soutenir ce secteur qui représente 2,8 millions d’organismes (coopératives, mutuelles, associations, fondations et entreprises sociales) et 6,3% de la main-d’œuvre européenne (v. Factsheet et communiqué de presse). Cette communication est complétée par un document de travail de la Commission ainsi qu’un autre document sur des « scénarios » pour accompagner la transition environnementale et numérique de l’économie sociale qu’elle soumet à une consultation des parties prenantes. La Commission annonce aussi une recommandation du Conseil sur la définition des conditions-cadres de l'économie sociale, qu'elle proposera en 2023.  La Confédération européenne des syndicats (CES) a accueilli positivement l’initiative, mais sans ferveur (v. communiqué). L’organisation représentant les employeurs du secteur, Social Economy Europe est bien plus enthousiaste et y voit l’aboutissement de son action entamée en 2014 pour promouvoir l’économie sociale (v. communiqué).



  • Compte individuel de formation et microcertification : la Commission européenne a présenté, le 10 décembre, deux propositions de recommandation du Conseil, l’une concernant les comptes individuels de formation et l’autre sur les microcertifications. Les États membres, conjointement avec les partenaires sociaux, sont invités à 1° créer des comptes de formation individuels pour tous les adultes en âge de travailler et les alimenter avec des droits à la formation ; 2° établir un catalogue numérique, accessible sur des smartphones, de formations de qualité, adaptées au marché du travail, pouvant être financées au titre des comptes de formation individuels ; 3° proposer des dispositifs d'orientation professionnelle et de validation des acquis, ainsi que des congés de formation rémunérés. La philosophie du dispositif est de placer « l'individu directement au cœur du développement des compétences » (v. communiqué et fiche  d’information).


  • Médiation des conflits liés à la libre circulation : l’Autorité européenne du Travail (ELA), la nouvelle agence européenne est désormais installée dans ses locaux de Bratislava (Slovaquie) et a adopté, le 29 novembre, une procédure de médiation des conflits liés à la mobilité de la main-d'œuvre dans les États membres de l'UE et un accord de coopération avec SOLVIT. L’ELA « sera en mesure de fournir aux autorités nationales un mécanisme sur mesure pour résoudre leurs différends sur la mobilité de la main-d'œuvre », ce qui vise en particulier les problèmes soulevés dans le cadre du détachement de travailleurs, « de manière rapide et sans frais » (v. communiqué de l’ELA).


Présidence française de l’UE : lors d’une conférence de presse, le 9 décembre, le président de la République, Emmanuel Macron, a présenté les priorités de la présidence française de l’UE (PFUE) qui débute le 1er janvier pour six mois. En matière sociale, le président a souligné que « si l'Europe ne protège pas mieux les plus faibles, qu'elle laisse prospérer le dumping social et apparaît comme un marché sans règle, alors il y aura d’autres Brexit ». Il a insisté sur le fait que l’Europe doit créer des emplois. « Si c’est l’Europe du chômage, ce sera l’Europe de la guerre, c’est notre premier défi : créer des emplois, créer des emplois, créer des emplois », a-t-il martelé (v. video). « S’il faut investir cent, mille... pour cela, alors il faut le faire ». Aussi la France assure que l’adoption de la directive sur les salaires minimums adéquats dans l’UE « sera au cœur de notre présidence ». « Les bonnes discussions dans le cadre du Conseil ont permis des progrès considérables », a souligné Emmanuel Macron qui veut « parachever » cette initiative. Au menu de la présidence figurent aussi : la proposition de directive sur la transparence salariale et celle sur les quotas dans les conseils d’administration. Enfin, Emmanuel Macron entend aussi faire avancer le dossier relatif au devoir de vigilance des multinationales, texte que la Commission avait annoncé pour ce mois de décembre (v. communiqué et dossier de presse).


Dialogue social sectoriel

Secteur bancaire : les partenaires sociaux du secteur bancaire ont signé, le 7 décembre, une déclaration commune sur le travail à distance et les nouvelles technologies (v. communiqué) qui fait suite à deux précédentes déclarations l’une sur le télétravail (2017) et l’autre sur l’impact de la numérisation sur l’emploi (2018). La déclaration commune met en avant des « droits numériques » concernant par exemple les outils de surveillance des salariés (principe de transparence et de proportionnalité) ou les décisions prises par des algorithmes. Par ailleurs, la déclaration traite notamment des droits collectifs, de la santé et de la sécurité, de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, des horaires de travail et du droit à la déconnexion. Le texte défini le travail à distance et invite les employeurs à permettre aux syndicats et aux représentants des salariés de rester en contact avec les salariés en télétravail, par exemple via « des espaces de réunion numériques sécurisés.


Jurisprudence

  • Indemnité de congé payé en cas de rupture : la Cour de justice de l’UE a été saisie d’une affaire concernant un salarié autrichien qui a mis fin à la relation de travail par une « démission prématurée et injustifiée ». Il a réclamé le paiement d’une indemnité de trois jours de congés payés qu’il n’avait pas pris. L’employeur a refusé au motif que le droit autrichien prévoit qu’« aucune indemnité compensatrice n’est due lorsque le travailleur met, sans motif sérieux, prématurément fin à la relation de travail ». S’appuyant sur l’arrêt Maschek (CJUE 20 juillet 2016, C‑341/15), la Cour considère que « le motif pour lequel la relation de travail a pris fin n’est pas pertinent au regard du droit à percevoir une indemnité financière » et confirme que « la circonstance qu’un travailleur met fin, de son propre chef, à sa relation de travail n’a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu’il n’a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail » (CJUE, 25 novembre 2021, aff. C-233/20, Job medium).

  • Rémunération du congé payé après une maladie : dans une affaire néerlandaise, la Cour de justice a considéré que  « les droits au congé annuel payé doivent, en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail, sans qu’il soit tenu compte de la circonstance que le montant de cette rémunération a été réduit en raison d’une situation d’incapacité de travail pour cause de maladie » (CJUE 9 décembre 2021, aff. C-217/20, Staatssecretaris van Financiën).

  • Astreintes et forfait jours : le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) en charge de veiller au respect de la Charte sociale européenne (v. European Social Charter) conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe (v. Council of Europe), a rendu une décision, publiée le 10 novembre, dans laquelle il estime que le droit français relatif au régime des astreintes et du forfait jour ne respecte pas la Charte sociale européenne sur plusieurs points. L’affaire a été initiée par les confédérations syndicales CFE-CGC et CGT (v. communiqués de la CFE-CGC et de la CGT).


2. États membres
Allemagne

Un gouvernement progressiste : le contrat de coalition 2021 - 2025 du nouveau gouvernement prévoit de porter le salaire minimum légal de 9,60 à 12 euros de l'heure en une seule fois. La commission du salaire minimum doit ensuite décider des étapes d'augmentation supplémentaires. C’est l’une des mesures phares en matière sociale de la nouvelle coalition qui annonce soutenir la proposition de directive sur les salaires minimums adéquats dans l’UE (ainsi que celle sur la protection des travailleurs de plateformes). À noter parmi les autres mesures : 1° les comités d’entreprise peuvent décider de se réunir en ligne ; 2° les syndicats se voient reconnaître un accès numérique aux entreprises pour aller à la rencontre des salariés ; 3° la législation sur la cogestion doit être préservée dans le cadre de la création de société européenne (SE) afin qu'il ne soit plus possible d'éviter complètement la cogestion ou de la restreindre en cas d’accroissement des effectifs de la SE ; 4° un droit au travail à distance, sauf si les intérêts de l’entreprise s’y opposent. De plus, « le travail mobile doit être possible sans problème dans toute l'Europe » ; 5° la promotion des espaces de coworking qui « sont une bonne opportunité pour le travail mobile et le renforcement des régions rurales » ; 6° un accroissement de la flexibilité du temps de travail via des conventions collectives.


Autriche

  • Prolongation du chômage partiel : face à la résurgence de l’épidémie de Covid-19, les partenaires sociaux et le gouvernement ont décidé, le 26 novembre, de prolonger le dispositif de chômage partiel qui assure un revenu de remplacement de 90% du salaire net, jusqu’en mars 2022 (v. communiqué de la confédération syndicale ÖGB). Une prime de 500 euros sera versée aux personnes placées en chômage partiel depuis mars 2020 et qui l’étaient toujours en novembre. Par ailleurs, la base de calcul de la rémunération des salariés qui touchent habituellement des pourboires sera augmentée de 5%.

France

  • Congé en cas de maladie d’un enfant : le Parlement a définitivement adopté, le 8 décembre, une proposition de loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer. Elle crée un congé spécifique pour les salariés lors de l’annonce d’un cancer de leur enfant ou d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage de la gestion de la maladie par les parents. La durée de ce congé rémunéré, qui existe déjà pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant, est fixée par un accord collectif. À défaut d’accord, elle est au minimum de deux jours. Ce texte s’applique à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, et à tous les salariés, sans condition d’ancienneté dans l’entreprise.

3. États tiers
Royaume Uni

Prise en compte de la ménopause : commentant un rapport qu’elle avait commandé aux principales organisations d’employeurs et associations de professionnels des RH, en juillet dernier, la ministre de l’Emploi a insisté, le 25 novembre, pour que les employeurs prennent mieux en compte la ménopause sur le lieu de travail (v. communiqué). Le rapport contient des recommandations, principalement en termes de communication et de campagne d’information, auxquelles le gouvernement s’engage à répondre dans les mois qui viennent. En 2019, Le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD) publiait un rapport (v. communiqué) soulignant que trois femmes actives sur cinq, âgées de 45 à 55 ans et présentant des symptômes de la ménopause, affirment que cela a un impact négatif sur leur travail, que ce soit par une augmentation du stress, des difficultés de concentration, de l'anxiété ou autre. Selon ce rapport, près de 900 000 femmes ont quitté leur emploi sur une période non définie en raison des symptômes de la ménopause. Cela pourrait signifier que les femmes quittent les entreprises « au sommet de leur expérience », ce qui aura « un impact sur la productivité ». Le CIPD avait alors publié des guides pour la gestion de la ménopause sur le lieu de travail et des supports de communication. De son côté, la commission des femmes et de l'égalité de la Chambre des communes mène actuellement une enquête sur la ménopause et le lieu de travail.


4. Entreprises
Comité d’entreprise européens

Compétences en matière de développement durable : l’accord du CE européen du groupe de construction Eiffage qui a été révisée, le 9 septembre, a étendu les thèmes sur lesquels le CE européen est informé et consulté, aux politiques sociales, environnementales et de développement durable ainsi que sur le rapport annuel, le rapport climat et le plan d’action biodiversité du groupe. C’est à notre connaissance l’un des premiers accords à s’ouvrir de façon aussi explicite aux questions de développement durable, de changement climatique et de biodiversité.


Société européenne

Maintien d’un comité après dénonciation de l’accord : la Cour d’appel de Versailles a rendu un arrêt, le 9 décembre, dans le litige opposant le comité d’entreprise européen d’Atos SE (Atos SE Council) à la direction du groupe de services du numérique Atos SE (107 000 salariés) suite à la décision de cette dernière de dissoudre le comité. En effet, après avoir dénoncé l’accord constitutif de l’Atos SE Council en 2020, puis après une période de six mois de négociations infructueuses, la direction a décidé de supprimer l’instance. L’article 23 § 4 de l’accord précise, qu’« en cas de notification de résiliation, les deux parties commenceront immédiatement le processus de renégociation ». Ce qui a été fait. En revanche, l’article ajoute que « tant que les deux parties n’auront pas signé un nouvel accord, le présent accord prévaudra » (v. IR Notes 163). Cette disposition plaide pour la survie de l’Atos SE Council tant que les parties ne se mettent pas d’accord sur un nouveau texte. Or, la direction estimait que cette clause revenait à étendre l’accord sans limite, ce qui s’oppose au droit français qui prohibe « les engagements perpétuels ». Saisi en procédure d’urgence (référé), le tribunal de Pontoise n’a pas considéré que la dissolution du comité constituait un trouble manifestement illicite (v. IR Notes 167) tout en estimant que cette clause était sujette à interprétation. Ce n’est pas l’avis de la Cour d’appel de Versailles qui, d’une part, constate le trouble manifestement illicite résultant de la suppression du comité et, d’autre part, avec un certain sens de la formule, souligne que « les parties n’ont pas le pouvoir de rendre obscures des clauses qui sont claires notamment en procédant à une interprétation qui n’est pas nécessaire ». Pour la Cour, il ne fait pas de doute que cette clause a « manifestement pour effet la survie de l’accord tant qu’aucun autre n’est signé ». De plus, elle rejette l’argument de la prohibition des engagements perpétuels, en soulignant que la négociation d’un nouvel accord de comité de SE, est encadré dans le temps : elle doit durer six mois (prolongeable jusqu’à un an), à défaut l’entreprise doit mettre en place un comité selon les dispositions subsidiaires de la directive sur l’implication des travailleurs dans la SE. En pratique, la Cour juge : 1° la dissolution de l’Atos SE Council est illicite et qu’il doit être remis en place y compris les mandats de l’ensemble de ses membres ; 2° l’accord constitutif reste valable provisoirement au moins jusqu’en mars 2022, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la période de négociation d’un nouvel accord (ou au maximum jusqu’en septembre 2022 si les parties décident de prolonger les négociations) ; 3° A défaut d’accord au terme de cette période de négociation, la direction devra mettre en place un comité de SE selon les dispositions subsidiaires de la directive.
En pratique, même si la direction est désavouée sur sa décision de dissoudre l’instance, elle garde la main sur la négociation : soit elle parvient à un accord d’ici mars 2022 qui réduira certains moyens du CE européen comme elle le souhaite, soit elle devra mettre en place un comité de SE légal, qui de facto sera largement moins favorable que l’accord dénoncé.


Accords transnationaux

  • Prolongation de l’accord mondial : la direction du groupe français du secteur de l’énergie, EDF (160000 salariés), et les fédérations syndicales internationales IndustriALL Global Union et PSI, ont signé, le 29 novembre, une extension de deux ans de l’Accord mondial sur la responsabilité sociale du groupe EDF, conclu en 2018 pour quatre ans (v. communiqué d’IndustriAll).