IR Notes 177 – 12 janvier 2022
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  Bonne année 2022 !

Toute l’équipe d’IR Share vous souhaite une bonne année 2022 ! Elle sera sans doute difficile collectivement, comme 2020 et 2021, mais nous espérons qu’elle vous apportera malgré tout du bonheur et de la joie. IR Notes, qui entame sa huitième année, aura le plaisir de vous éclairer tout au long de ces prochains mois.

 
  Une question à…
Francisco Javier Gomez Abelleira, professeur de droit du travail et de droit de la sécurité sociale (ou maître de conférence) à l’Université Carlos III (Madrid)

Quelle est votre analyse de la réforme du marché du travail adoptée fin décembre par le gouvernement espagnol sous la forme d’un décret-loi qui doit encore être approuvé par le Parlement ?
Après des mois de négociations tripartites entre le gouvernement et les partenaires sociaux, un accord a été conclu fin décembre sur une réforme du marché du travail qui touche trois domaines : les contrats à durée déterminée, le chômage partiel et la négociation collective. Pour parvenir à cet accord, toutes les parties ont dû sacrifier quelque chose d'important. Pour le gouvernement et les syndicats, l’objectif de départ était d'abroger complètement la réforme du travail de 2012 (réforme conservatrice qui a introduit une plus grande flexibilité dans les relations de travail, une baisse des coûts de licenciement et une plus grande décentralisation des négociations collectives). Pour les organisations patronales, il était important de maintenir la flexibilité du travail (notamment les contrats à durée déterminée et la décentralisation de la négociation collective).
L'accord signifie que les principaux aspects de la réforme du travail de 2012 ne seront pas annulés. Néanmoins, le gouvernement et les syndicats ont atteint un objectif important : la convention collective de branche prévaudra sur l’accord collectif d'entreprise en ce qui concerne le montant et la structure des salaires. Les employeurs conservent la prévalence des accords d'entreprise dans d'autres domaines, tels que la répartition des heures de travail. Le gouvernement et les syndicats atteignent un autre objectif : les conventions collectives prolongeront leurs effets après la date d'expiration et au-delà d'un an après cette date, sauf accord contraire des deux parties.
Sur d'autres aspects, la réforme 2021 ne correspond pas à ce que le gouvernement et les syndicats souhaitaient : par exemple, les motifs, les procédures, les effets et les coûts des licenciements (individuels et collectifs) ne sont pas concernés par la réforme. La réforme ne touche pas aux modifications substantielles des conditions de travail : les employeurs peuvent modifier unilatéralement les conditions de travail pour autant qu'il existe une justification économique, technique ou organisationnelle suffisante et si ces conditions ne sont pas établies par une convention collective.
Bien que la réforme soit moins ambitieuse que ce que le gouvernement avait initialement prévu, elle pourrait avoir un impact important sur le marché du travail. En effet, l'une des pires caractéristiques de ce marché est l'abus des contrats à durée déterminée comme forme de flexibilité du travail : les entreprises recourent trop aux contrats temporaires au lieu de recourir à d'autres formes de flexibilité du travail (comme la réduction des heures ou la suspension temporaire du travail). L'une des leçons importantes tirées de la pandémie est que les entreprises peuvent maintenir les niveaux d'emploi et conserver leurs salariés même pendant les périodes difficiles : les mécanismes juridiques mis en place pendant la pandémie, pour lesquels les employeurs, les syndicats et les administrations publiques ont coopéré afin d'éviter un recours excessif aux licenciements, sont maintenant établis comme des moyens normaux pour faire face aux crises futures (crise générale, sectorielle ou au niveau de l'entreprise).


> Pour plus de détails sur la réforme du marché du travail, v. article en anglais de notre expert national, Francisco Javier Gomez Abelleira.

 
  Agenda

 


17 au 20 janvier
Strasbourg

Session plénière du Parlement européen


17 janvier au 27 février
En ligne
2e édition allemande de la formation en ligne "CEE : les règles du jeu" à raison d’environ 2 heures de travail par semaine. Les inscriptions sont à faire avant le 10 janvier 2022 en remplissant le formulaire en ligne disponible ici : https://bit.ly/3FTJU3i. Cette formation est gratuite.


27 et 28 janvier
En ligne
Atelier organisé par l’Institut syndical européen (ETUI) sur « les risques psychosociaux (RPS) liés au travail au sein de l’Union européenne » qui propose sur la base d’une étude de l’ETUI, une cartographie de l’UE concernant le cadre légal national, les conventions collectives et la jurisprudence en matière de RPS pour notamment alimenter une discussion sur l’adoption potentielle d’une directive européenne sur les RPS (Programme et inscription).


7 et 8 février
En ligne
Formation organisée par l’Institut syndical européen pour les nouveaux membres de CE européen (ou de GSN) (autres dates proposées : 10 et 11 février).
Contact : esantaniello@etui.org et lien d’inscription.


14 février
Bordeaux
Réunion informelle Conseil Emploi et Politique sociale.


16 février
En ligne
Ouverture du Mooc «droit européen du travail» (en français), organisé par le Cnam. Les cours de cette formation, en ligne et gratuite, se déroulent du 16 février au 4 avril 2022 (les inscriptions sont ouvertes). IR Notes est partenaire de cette initiative pilotée par Michel Miné, professeur du Cnam, titulaire de la chaire « droit du travail et droits de la personne ».


17 et 18 février
Strasbourg
Conférence organisée par la présidence française de l’UE et le Comité économique et social européen sur l’économie sociale et solidaire


14 mars
Bruxelles

Conseil Emploi et Politique sociale


16 juin
Luxembourg

Conseil Emploi et Politique sociale


27 et 28 juin
Hambourg
14e conférence de l’EWC Academy pour les CE européens et comités de SE, avec notamment Gabriele Bischoff, Udo Rehfeldt et Ilaria Armaro.

 
  Qui sommes-nous ?


IR Notes
est une lettre d'information diffusée tous les 15 jours, disponible en plusieurs langues européennes (allemand, anglais, espagnol, français, italien) et réalisée par IR Share et son réseau d’experts. Elle propose une veille européenne sur le droit du travail, les relations sociales et la politique de l’emploi. Elle est en vente sur abonnement pour un montant de 18 euros HT par mois sur le site IR Share.


L’équipe : ce numéro a été préparé par Francisco Gomez Abelleira, Sylvain Nadalet, Pascale Turlan et Frédéric Turlan.
Retrouvez l’ensemble de l’équipe de IR Share sur le site.


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  Dictionnaire européen des relations sociales

Si vous souhaitez aller plus loin dans la lecture d’IR Notes nous mettons à votre disposition des liens vers le Dictionnaire européen des relations sociales, publié par Eurofound, et régulièrement mis à jour par IR Share, éditeur d’IR Notes. Les définitions des termes sont disponibles en anglais et facilement convertibles grâce à des outils de traduction en ligne.

 
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IR Share est une entreprise à capitaux privés, indépendante et apolitique, dont l'objectif est d'informer et d'aider l'ensemble des acteurs du dialogue social en Europe et au-delà. Elle est le correspondant de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) pour la France depuis 2009.

 

À la Une
Les dossiers sociaux de la présidence française de l’UE

La présidence française du Conseil de l’UE qui a débuté le 1er janvier a affiché ses priorités dans le champ de l’emploi et des affaires sociales (v. Council of the European Union). Même si le programme est très largement dicté par des initiatives déjà engagées, la présidence a tout de même la possibilité de privilégier certains dossiers pour les faire avancer. Ainsi, dans son programme de travail, la présidence met en avant sa volonté de « conduire les négociations avec le Parlement européen concernant la proposition de directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union ». À quelques mois de l’élection présidentielle en France (avril), l’adoption de cette directive serait sans doute un gain politique appréciable pour l’actuel Président de la République, Emmanuel Macron, critiqué pour sa politique jugée par certains trop libérale. Mais la présidence n’annonce ni l’adoption du texte, ni un compromis avec le Parlement, car les négociations avec les députés européens s’annoncent difficiles (voir IR Notes 174 et IR Notes 175). Le deuxième texte est la proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateformes. Cette proposition est bien moins avancée que la première puisqu’elle vient seulement d’être présentée par la Commission (v. IR Notes 176)  alors que celle sur le salaire minimum a déjà été adoptée par le Conseil et le Parlement. La présidence annonce qu’elle « débutera également les discussions » sur ce texte au sein du Conseil. La proposition de la Commission est assez éloignée de la façon dont le gouvernement français tente de réguler en France les conditions de travail dans plateformes en misant sur le dialogue social. Le troisième texte est la proposition de directive sur la transparence salariale, pour laquelle la « présidence fera progresser les négociations dans le cadre des trilogues » dès lors que le Parlement aura arrêté sa position, le Conseil étant déjà arrivé à un accord politique sous la présidence slovène (v. IR Notes 176 et IR Notes 159). Dans le même temps, la présidence s’attachera « à faire progresser les discussions sur la proposition de directive relative à un meilleur équilibre hommes‐femmes dans les conseils d’administration » qui est enlisée au Conseil depuis près de dix ans. À noter que la présidence française s’inscrit également dans le programme commun construit avec les futures présidences tchèque (2e semestre 2022) et suédoise (1er semestre 2023). Ce « programme du trio » définit les priorités pour les dix-huit prochains mois. Il s’agit de renforcer le modèle social européen et de rendre les marchés du travail plus inclusifs pour les travailleurs âgés et les personnes handicapées. Figurent également l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes, la santé et la sécurité au travail et la lutte contre les inégalités de genre. De plus le trio « encouragera l'établissement d'obligations de diligence en ce qui concerne les conséquences sur les droits de l'homme et l'environnement et soutiendra la mise en place de normes de l'UE pour la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises afin de promouvoir un modèle européen d'entreprise responsable ».


1. Union européenne
Projet

Agents cancérigènes et mutagènes : la présidence du Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire, le 16 décembre 2021, sur la révision de la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes (v. Carcinogens directive revision). Cette quatrième révision de la directive a été proposée par la Commission européenne, en septembre 2020. (v. IR Notes 149). Le texte doit encore être approuvé formellement par le Conseil et le Parlement, avant la publication au JOUE. Le nouveau texte accorde une protection accrue grâce, d’une part, à la fixation de limites d'exposition pour l'acrylonitrile et les composés du nickel et, d’autre part, à l’abaissement des limites pour le benzène. Actuellement, environ 33000 travailleurs sont exposés à l'acrylonitrile, 79000 aux composés du nickel et un million au benzène. De plus, les députés ont obtenu l’inclusion, dans le champ d’application de la directive, de 12 substances reprotoxiques qui ont des effets néfastes sur la reproduction et peuvent provoquer une altération de la fertilité ou une infertilité. Ainsi, la directive couvrira 39 substances : les 25 substances avec une limite d’exposition professionnelle prévue par la précédente version de la directive, plus les deux nouvelles limites et les 12 agents reprotoxiques. Le texte prévoit aussi l’adoption, d’ici la fin 2022, d’un plan d’actions pour ajouter 25 nouvelles substances cancérigènes dans le champ de la directive. Par ailleurs, la directive protégera mieux le personnel qui travaille avec des médicaments dangereux. Ce personnel devra recevoir une meilleure formation sur la manière de les manipuler en toute sécurité. La Commission devra publier d’ici la fin 2022, des lignes directrices sur la formation, la surveillance et le suivi.


> Voir aussi : fiche de présentation de l’agence européenne OSHA-EU, les communiqués du Conseil et du Parlement.


Actualité sociale

Renforcer la démocratie au travail : le Parlement européen a adopté à une large majorité, le 16 décembre 2021, une résolution pour renforcer la démocratie au travail, présentée par la députée européenne Gabriele Bischoff (S&D). Ce texte entend renforcer la participation des salariés aux décisions de l’entreprise et appelle à réviser plusieurs directives dont celles sur les CE européens. Les entreprises qui recourent à des instruments européens de mobilité notamment ceux prévus par la directive n°2019/2121 sur les fusions transfrontalières ou par le statut de la société européenne (SE) devraient respecter « des règles européennes minimales régissant la participation et la représentation des salariés au sein des conseils de surveillance, y compris pour ce qui est de l’égalité entre hommes et femmes ». À cette fin, « le nombre/la proportion de sièges » au sein des conseils de surveillance « prévus pour les représentants des travailleurs devrait aller de quelques sièges à la parité, en fonction du nombre de salariés de l’entreprise et de ses filiales ». Par ailleurs, la résolution relève « certaines failles dans le statut de la SE » qui permettent aux entreprises de contourner les réglementations nationales, notamment sur la représentation des salariés au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. La Commission est appelée à combler ces failles. Concernant la révision de la directive n°2009/38 sur les CE européens, les députés veulent renforcer les droits d’information et de consultation, en particulier en cas de restructuration. Ils déplorent que « les ressources financières, matérielles et juridiques nécessaires pour permettre aux CE européens d’accomplir leurs tâches de manière appropriée ne soient pas toujours fournies par la direction centrale ». En outre, la Commission et les États membres devraient garantir qu’il soit « tenu compte de l’avis du CE européen dans les décisions de l’entreprise et que cet avis soit rendu avant la clôture de la consultation au niveau adéquat et avant la prise de décisions par les organes de direction ». Enfin les députés appellent à supprimer les « exemptions » qui assurent la survie des anciens accords dits “volontaires“ conclus il y a plus de vingt-ans ; à clarifier la notion du caractère transnational et « à prévenir les abus des règles de confidentialité comme moyen de limiter l’accès à l’information et la participation effective ».



  • Coordination des régimes de sécurité sociale : les représentants des États membres (Coreper) ont rejeté, le 22 décembre 2021, l’accord interinstitutionnel trouvé la semaine précédente sur le règlement relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale (v. Free movement and social security) dont la révision est en discussion depuis cinq ans. Neuf États membres ont voté contre le texte, tandis que cinq se sont abstenus, dont l’Allemagne et la Pologne, empêchant tout vote à la majorité qualifiée.

2. États membres
Italie

Un cadre pour le travail hybride : le ministre du Travail a signé avec 26 organisations syndicales et patronales un protocole sur le travail hybride proposant un cadre de référence non contraignant qui pourra être repris dans les conventions collectives. Avec cette initiative, le gouvernement prend acte de l’évolution rapide qui s’est produite sur ce thème depuis la loi sur le travail hybride n°81/2017. Il entend, à partir d’une étude fondée sur 200 accords collectifs, fournir des règles qui seront adaptées en dehors des périodes de pandémie. Les principes sont les suivants : 1/ le travail hybride ne doit pas être confondu avec le télétravail car il peut prévoir d’alterner le travail à domicile (ou autre lieu) et celui en entreprise : l’accord individuel sur le travail agile conclu entre l’employeur et le salarié doit prévoir cette alternance ainsi que les lieux qui en sont exclus. 2/ Le caractère volontaire du travail hybride est affirmé, c’est-à-dire que son refus par le salarié ne pourra faire l’objet d’aucune sanction.  3/ L’accord individuel peut prévoir une durée déterminée du travail hybride, mais il est possible d’y mettre fin en respectant un préavis aussi bien pour l’employeur que pour le salarié. 4/ Le travail hybride implique la possibilité de rendre l’horaire de travail flexible sans modifier le temps de travail (le travail supplémentaire est en principe exclu), par exemple en établissant des créneaux horaires et en incluant le droit à la déconnexion. 5/ L’accord doit énoncer les outils de contrôle par l’employeur. 6/ L’employeur doit fournir les outils nécessaires à l’exécution du travail et en assume le coût. Si le salarié utilise son propre matériel, les parties doivent s’accorder sur les outils de sécurité informatique à mettre en place et elles peuvent convenir d'éventuelles formes d’indemnisation des frais supportés par le salarié.



Une loi pour réduire les inégalités salariales : la loi n.162/2021 sur l’égalité des chances du 5 novembre 2021, entrée en vigueur le 3 décembre, entend combler les écarts de salaire. La loi élargie le champ d'application de la discrimination directe et indirecte afin de protéger les candidats à l’embauche. Les discriminations couvrent désormais non seulement les traitements défavorables, mais aussi les changements d’organisation et du temps de travail qui sont motivés par l'état de grossesse, de maternité ou de paternité et l'exercice des droits y afférents, mais aussi simplement par le sexe, l'âge ou les besoins de soins ou de soutiens familiaux et qui place ou est susceptible de placer la travailleuse dans au moins une des conditions suivantes : 1° position de désavantage par rapport à l’ensemble des autres salariés ; 2° la limitation des possibilités de participer à la vie ou aux décisions de l'entreprise ; 3° limitation de l'accès aux mécanismes d'avancement et de progression de carrière. Au-delà de ces modifications, c’est l’approche incitative qui est privilégiée à travers l’adoption d’un dispositif de certification de l’égalité entre les sexes permettant aux entreprises d’illustrer les actions concrètes prises pour réduire l'écart en matière de carrières et de disparités salariales, dans la gestion des différences de genre ou encore pour la protection de la maternité (les critères feront l’objet d’un décret). Cette certification sera exigée pour bénéficier d’allégements des charges sociales ou pour obtenir des financements. L’obligation est aussi faite pour les entreprises de plus de 50 salariés (au lieu de 100 auparavant) d’établir un rapport tous les deux ans sur la situation du personnel masculin et féminin dans chacun des métiers.



  • Diverses mesures sociales : la loi de finance 2022, adoptée le 30 décembre par le Parlement, contient diverses mesures sociales (v. présentation publiée par le ministère du Travail), dont les principales sont l’élargissement du dispositif d’amortissement social (Cassa integrazione / chômage partiel) aux entreprises qui n’avaient pas encore accès à ce dispositif ; le renforcement des obligations en matière de responsabilité sociale pour les entreprises d’au moins 250 salariés lorsqu’elles envisagent de fermer un site en Italie. Elles devront informer les syndicats et diverses autorités 90 jours avant la mise en œuvre des licenciements. Elles devront élaborer dans un délai de 60 jours un plan pour limiter l'impact sur l'emploi et présenter des mesures pour assurer le reclassement des salariés concernés et la revitalisation des sites industriels. Le non-respect de la procédure entraînera la nullité des licenciements. La loi augmente de 50 millions d’euros le budget du Fonds pour le soutien de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes et créée, à titre expérimental, pour l'année 2022, une exonération de 50 % du paiement des cotisations de sécurité sociale pendant un an en faveur des mères salariées du secteur privé, à compter de leur retour au travail après leur congé maternité. Cette mesure leur assure, pendant un an, un salaire net plus élevé qu’à leur départ en congé maternité. Il s’agit d’inciter les femmes à revenir sur le marché du travail. Leurs droits à la retraite ne seront pas affectés par cette réduction de cotisation.

3. Pays tiers

  • Revenu des dirigeants : le sujet des « fat cats », des dirigeants trop grassement rémunérés, est récurrent au Royaume Uni. Une étude du High Pay Centre suggère que les revenus médians des PDG du FTSE 100 pour 2022 ont dépassé le salaire annuel médian d'un travailleur à temps plein au Royaume-Uni le vendredi 7 janvier vers 9 heures (v. communiqué). La secrétaire générale du TUC, Frances O’Grady, appelle à de  « grandes réformes pour ramener la rémunération des PDG sur terre ». Pour la syndicaliste, « les comités de rémunération des dirigeants doivent changer. Ils devraient inclure des représentants des salariés qui peuvent s'exprimer en faveur d'un juste équilibre des salaires avec les travailleurs ordinaires. Et les systèmes d'incitation pour les dirigeants devraient être remplacés par des systèmes de participation aux bénéfices qui incluent l'ensemble du personnel. Trop de richesses sont accaparées au sommet.» (v. communiqué).

4. Entreprises
Comités d’entreprise européens

Adaptation suite à une scission : le groupe CNH Industrial NV, une holding de droit néerlandais, née en 2013 de la fusion de Fiat Industrial et de sa filiale américaine CNH Global, a été scindé en deux, avec d’une part, l’introduction en bourse de la filiale Iveco group qui regroupe les activités routières de CNH International avec notamment les marques Iveco, Iveco Bus, Heuliez Bus et Astra, et d’autre part, CNH Industrial qui conserve la production de machines agricoles et de chantier. La direction de CNH Industrial et le comité restreint du CE européen, mis en place en 2015 sur la base des prescriptions subsidiaires de la loi de transposition néerlandaise, ont signé un accord, le 23 novembre 2021, pour adapter la composition du CE européen à cette nouvelle configuration. Comme les deux groupes issus de cette scission entrent dans le champ d’application de la législation sur les CE européens en raison de l’importance de leurs effectifs dans l’UE, Iveco group devrait également lancer une procédure pour mettre en place un CE européen.



Révision d’un accord : la direction du groupe de logistique Geodis (41 837 salariés dont 15 500 en France) a reconduit, le 6 juin 2021, son accord du 8 février 2010 relatif au Comité Européen de Concertation (CEC), la dénomination du CE européen du groupe. Selon le nouvel accord la composition reste très centrée sur la France avec pour les 8 sièges attribués au bureau du CE européen 7 sièges réservés aux organisations syndicales françaises. « Dans un esprit d'ouverture et de prise en compte du périmètre international du groupe », l’accord précise que le comité « bénéficiera régulièrement d'informations sur le groupe hors périmètre strictement européen ». Par ailleurs, le secrétaire du comité est « invité à assister aux réunions du Conseil de surveillance de Geodis, en qualité d'auditeur consultatif ». La « consultation préalable » au sens de l’accord « est d'organiser une information » par la direction « qui soit précise et rapide afin de permettre au CEC par l'intermédiaire du bureau de faire connaître son avis dans un délai qui ne saurait excéder 21 jours ». Le CEC bénéficie d’une enveloppe de fonctionnement de 12 500 euros par an à laquelle s’ajoute un budget de 10000 euros par an pour la formation des membres. Les membres du bureau bénéficient d'un quota individuel d'heures de délégation de 120 heures par an, les autres membres se partageant un quota annuel de 650 heures.


> Autres accords mis en ligne sur IR Share : Groupe Up et Keolis.


Syndicalisme

  • Réseau international : le réseau syndical du groupe pharmaceutique Sanofi couvrant une trentaine de pays s’est réuni virtuellement le 16 décembre, pour échanger sur les orientations du groupe et les difficultés rencontrées en matière de dialogue social. La mise en place de ce réseau par IndustriAll Global Union, vise à convaincre le groupe à négocier un accord-cadre international pour entamer un dialogue social au niveau mondial.

5. Études et rapports

Les CE européens à l’heure de la révision de la directive : l’Institut syndical européen vient de publier une étude de référence sur les CE européens qui sera incontournable dans le processus de révision de la directive 2009/38 (European Works Councils: contested and still in the making). L’ouvrage, très documenté, porte un regard critique sur cette instance qui, malgré la révision de la directive en 2009, reste encore majoritairement une instance d’information. Son rôle de consultation reste contesté par les employeurs, selon les auteurs, qui soulignent la tendance des managers à utiliser le CE européen afin qu’ils servent les intérêts de l’entreprise. Le CE européen reste encore une instance « en devenir » et le changement semble ne venir que des acteurs sur le terrain, dont les syndicats, tant les positions des acteurs institutionnels en faveur d’une révision semblent bloquées.



Inégalités en Europe : c’est l’une des publications phares de l’Institut syndical européen : Benchmarking working Europe. L’ouvrage est sorti en décembre avec un focus sur l'augmentation des inégalités qui « est à la fois de plus en plus mesurable et alarmant ». Des inégalités aggravées par la crise du Covid-19 mais qui sont présentes structurellement depuis plusieurs décennies. A ceux qui sont convaincus qu’il n’y a pas de paix durable sans justice sociale, voilà de la matière à réflexion et à action.



  • Risques psychosociaux : l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au Travail (EU-OSHA) a publié une étude qui analyse les liens entre facteurs psychosociaux et troubles musculo-squelettiques (TMS). L’une des conclusions est que les mesures mises en place sur le lieu de travail pour éliminer les  risques psychosociaux peuvent se révéler très efficaces  dans la prévention des TMS (communiqué, Synthèse, Rapport complet). L’Agence a également publié un article sur la santé et la sécurité au travail des personnes LGBTI avec un focus sur les risques psychosociaux et organisationnels, dont la discrimination, le harcèlement et l’intimidation sur le lieu de travail (v. communiqué).


  • Transition juste : dans un article, Adrien Thomas, chercheur au LISER, revient sur l’élaboration des positions syndicales internationales en matière de politique climatique. Il souligne que le concept de transition juste « permet la poursuite simultanée de politiques contradictoires, accommodant à la fois les syndicats les plus ambitieux en matière de climat et les plus réticents ». Le succès de cette formule « a été sa capacité à surmonter et à dissimuler temporairement les désaccords sur le cadre adéquat des politiques climatiques ». L’auteur signale une nouvelle ligne de fracture dans le mouvement syndical international entre le Nord et le Sud, notamment à propos d’éventuelles barrières douanières soutenues par les syndicats du Nord qui sont en défaveur des produits ayant un mauvais bilan carbone. De tels dispositifs ouvrent de nouvelles « dissensions au sein du mouvement syndical international, faisant apparaître certains des désaccords précédemment cachés par le plaidoyer commun pour le concept de transition juste ».


  • Concertation sociale en Belgique : quel est l’impact de la crise du Covid-19 sur le dialogue social ? Une étude réalisée par Michel Ajzen et Laurent Taskin, de l’Université catholique de Louvain, apporte une première réponse. Revenant sur le rôle des partenaires sociaux depuis le début de la pandémie, en fonction des différentes phases, les auteurs s’interrogent sur ce que cette crise pourrait durablement changer dans le dialogue social. Ils notent en particulier « la prépondérance du niveau de l’entreprise comme niveau de négociation pertinent et mobilisé au cours de la crise » où « management et syndicalistes auront souvent travaillé ensemble à œuvrer en faveur de la sécurité des salariés et parfois même, de la survie de l’entreprise ». Une pratique qui confirme la tendance à la décentralisation des relations collectives de travail, mais qui « ouvre également la voie à de nouvelles dynamiques partenariales » dépassant certaines « postures dogmatiques » constatées notamment au niveau sectoriel.